top of page
Photo du rédacteurSabine

Joséphine Bacon - Un thé dans la toundra


« Si un jour tu vas à la toundra, tu sentiras que la Terre te porte ».

Prendre un livre. Le poser. Caresser sa couverture. Laisser le regard, les yeux, les mains infiltrer les couleurs. Sentir l’encre s’ancrer tout en douceur. Entendre dans la cuisine chanter la bouilloire posée sur le feu. Infuser le thé. Ni trop vert, ni trop noir. Les feuilles se développent, prennent leur ampleur, diffusent leurs parfums. Et puis délicatement ouvrir le livre. Tout doucement. Précieusement. Lire la première phrase et savourer les premiers mots. La cuisine disparait. Se dire qu’au mot poésie, les mots reprennent tous les droits, les chemins. Le voyage commence.


Dès les premières phrases, tu pars loin, très loin, à Schefferville, accueilli par un grand chasseur de caribous, Ishkuateu-Shushep et sa femme Maïna. Te voilà dans la forêt canadienne, au milieu de la toundra. Tu es chez les Innues, une communauté amérindienne où le sacré se lit dans tout ce qui autour de soi, où le chant de la nature résonne à tes oreilles, où la moindre parcelle d’air représente la vie, la beauté, la vérité. Tu pénètres sous la tente et t’assois au pied du feu. Tu écoutes Isahkuatu-Shushep, grand chasseur de caribous, te conter l’histoire de la chasse aux esprits, le respect à Papakassik, l’animal totem caribou. La magie du récit t’envoute. Tu te dérives, captivé, ébloui par la trace des aïeuls et les chants de la tribu résonnant sous la toile.

Tu es au milieu de la toundra et tu pars à la découverte de ces esprits sacrés, de ce paysage que tu ressens profondément au fond de toi.  Tu deviens Innue. Il n’y a plus de murs, de frontières. Respirer à plein-poumons est ta seule contrainte. Tu marches, tu pénètres un territoire où tu n’es pas le maître. Il y a juste toi, Isahkuatu-Shushep, Maïna et Papakassik. Vous quatre. Tu comprends que tu n’es pas propriétaire de ce territoire sacré mais que tu te dois de le protéger, de l’honorer de ta présence, que tu n’es que locataire de ta vie et que seule celle-ci peut te donner le droit à l’existence.


« Je te suis redevable Pour ma liberté »


Au fil des pages Joséphine Bacon compose un hymne à l’amour de la vie simple et saine, infinie. Dans un univers empreint de chamanisme, de vérité absolue et naturelle, elle écrit un récit poétique où on ressent le vent, la neige, la grâce de l’éternité silencieuse, l’infini. On entre dans l’univers puissant et vibrant de la toundra. Rien n’est plus beau, vrai que cela. Elle évoque les esprits qui donnent naissance à ce lieu et ce que la main de l’homme en fait, l'exil nécessaire pour continuer à vivre à l’explosion, la disparition des autochtones, des Innues. Sous la plume de l'esprit, Joséphine Bacon écrit nous fait renaitre, revenir à nos origines avec une générosité absolue à ce que nous sommes, hommes d'un monde, mais aussi au monde animal, végétal, naturel. Une profonde empreinte de simplicité, la magie du sacré, la prière à la Nature, l’hymne de ceux qui savent où puiser la force d’être, de vivre, l’essentiel, l’essence même de ce qu’est la vie.


« Plus besoin de savoir écrire Ni de savoir calculer Il me suffit de connaître Les directions […] J’arrive enfin A la terre qui espère Ma venue »


Un thé dans la toundra

Joséphine Bacon

Mémoire d'encrier

14 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page