À toi
“À la façon que tu as d’être belle
À la façon que tu as d’être à moi…”
C’est peu dire que j’entretiens avec Joe Dassin, une relation, sinon coupable, du moins autant passionnée qu’éperdue.
Alors, mon cher Joe, faisons, simple, je t’écris :
Joe,
C’est peu dire que j’entretiens avec toi une relation intemporelle alors même que tu es mort juste deux ans après ma naissance.
Tu sais (je me permets de te tutoyer puisqu’on doit toujours tutoyer les amis d’enfance) ou tu ne sais peut-être pas à quel point tu m’accompagnes depuis toutes ces années.
Au début, c’était con : ce plaisir honteux d’une chanson kitsch dans laquelle on se reconnaît pourtant, des amours d’adolescence, des petits riens de province et Marie-Jeanne qui se jette du pont de la Garonne.
Ce truc qui va bien, cette joie que tu arrives - désolé si je n’arrive pas à parler de toi au passé - à mettre dans ces chansons que tu ne composes pas, que tu n’écris pas, mais que tu chantes simplement et qui et deviennent tiennes.
Au fil de la jeunesse et de sa suite, tu es celui vers lequel sans cesse je reviens sur des cassettes de l’époque que, comme chacun, je devais rembobiner avec un crayon mine (comme on dit dans ma Champagne natale) octogonal.
Je sais que tu es docteur en anthropologie, que tes ritournelles ont brillé, travaillé, labouré la terre de France et d’ailleurs, et que tu as dit cette phrase qui est une des plus belles sur l’histoire de la chanson : “Bien sûr, c’est facile de faire une chanson triste. Mais faire une chanson qui donne de la joie aux gens…”
Cher Joe, en tant qu’écrivain qui t’écris ce mot, si tu savais comme je te comprends. Il serait tant facile d’écrire un truc tout noir comme certaines chansons réalistes qu’on écoute avec le plaisir de la joie de la douleur et de la compromission. Tu as choisi de chanter la vie, l’amour, les plaisirs simples.
Tu as choisi de chanter à celle qui a cette façon d’être belle, ce qui est ta plus belle chanson, je crois, avec tant d’autres.
Mon Joe,
Tant de nuit solitaires qui ne l’étaient pas grâce à toi,
À toi,
À la façon que tu as d’être beau,
À tes chansons intemporelles,
À la vie à l’amour,
Aux amours perdues et celles qui nous restent à vivre et à mourir,
À nos joies et nos vies.
À toi.
Joseph Ponthus
Lorsque j’ai demandé à Joseph Ponthus si il acceptait d’écrire « une lettre à » dans le cadre d’un Eté Jaune Carré, je m’attendais à tout sauf à Joe, sauf à celui qui vendait du rêve en paillettes et col de chemise pelle à tarte. Des chansons que l’on qualifiait de midinette, populaire comme un petit pain au chocolat du dimanche matin ou une descente des Champs Elysée avec des airs d’Amérique en tête, un sourire à la Dalton en coin. Je ne m’attendais pas à évoquer l’enfance, les rires des samedis soirs, les Carpentiers et les souvenirs de famille chantonnant sur la route des vacances un Eté indien, L’équipe à Jojo, On s’est aimé comme on se quitte, poursuivant le rêve d’Aller siffler sur la colline en compagnie des Daltons, Zaï Zaï Zaï…
Oui Il a raison Joseph de dire que Joe Dassin était un grand Monsieur, qu’il a bercé mes oreilles de chants ringards délicieux, qu’il fait parti de ces chanteurs que l’on aime se souvenir comme on se souvient de vieux souvenirs un peu honteux mais diablement bons, doux, tendres. Des souvenirs comme des berlingots sucrés, des premiers baisers volés. Des souvenirs de cartables de rentrée, de soirée télé en famille et des Zaï Zaï Zai colorés.
Allez salut les amoureux,
Salut Joseph et Joe
Joseph Ponthus a écrit A la ligne paru aux Editions La Table Ronde et a été sélectionné dans le cadre des 68 premières fois éditions 2019.
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