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  • Photo du rédacteurSabine

Joseph Ponthus - A la ligne

Dernière mise à jour : 11 mars 2019




« En entrant à l’usine Bien sûr j’imaginais L’odeur Le froid Le transport de charges lourdes La pénibilité Les conditions de travail La chaîne L’esclavage moderne
Je n’y allais pas pour faire un reportage Encore moins préparer la révolution Non L’usine c’est pour les sous Un boulot alimentaire Comme on dit »

Comment parler d’un roman qui m’a laissé un goût de beauté noire, de révolte et à la fois un sourire, un humour, une infinie tendresse et poésie. Une vie à la traine, d’une vie à la marge de la société, à la marge de ceux qui sont visibles, de ces instants où pour vivre, survivre, devenir quelqu’un ou tout simplement être, ne plus faire comme ci, le travail devient le facteur de reconnaissance, de référence, le cul au pied des machines, la vie dans une usine, l’agro alimentaire en ligne de vie.


A la ligne

A la vie

Comment parler d’un roman qui n’est qu’un cri, une tuerie, une tuerie parce que le thème évoqué est un thème qui nous tue à petit feu, sans faire de bruit, parce que chaque mot écrit est une longue éraflure, un couteau enfoncé dans la main, le coeur, l’âme, le bruit des machines en plus, le bruit des longues heures qui défilent comme défilent lentement les secondes d’une vie professionnelle.

Comment parler de ce roman sans en évoquer ce cri de révolte , cette bourrasque de vie qui passe trop vite, loin de tout, loin des chiffres du CAC 40, des idéaux de services et de la finance, en oubliant le bruit des usines, des abattoirs, des sardineries, des conserveries de poissons, où pour manger il faut d’abord dépecer, en omettant le vaste champ de services humains, d'intérims et autres de missionnaires.


Ce roman est une ode, un chant scandé à la gloire des ouvriers, de ce petit peuple qui se lève bien avant l' aurore, qui s’offre son premier café lorsque le monde ne tourne pas encore dans l’effervescence des tourbillons d’une économie qui s’essouffle sur les marchés mondialisés. Un chant à ceux qui officient derrière le cul des machines, au bout des crochets, au pied des camions à charger, décharger. Ceux qui décortiquent à pleines mains, trient inlassablement par tonnes, tapis entiers et lignes remplis de montagnes de crevettes, de crabes ou de porcs.

Comment ne pas ressentir la violence de la vie, de ce dégout et voracité du travail, de la chaine (ligne), de ces usines et usinages, qui laissent à la marge les plus démunis, les intérimaires, les ouvriers quand le mot a perdu de son sens, quand le monde de l’industrie résonne étrangement vide, quand la classe ouvrière n’est plus qu’un vague souvenir dans un mode de vie effrénée.


A la ligne est un roman noir, noir comme l’est le pain, comme le sont ceux qui endossent ces bleus de travail, comme un hymne à l’amour, un poème aux manœuvres, aux rêves. Un étourdissement à la beauté des invisibles, de ce monde de l’ombre qui officie en 2*8 ou de nuit, qui hurle, rie, tient grâce aux blagues foireuses, au soutien de celui qui tombe ou qui est/sont à coté, à la solidarité des éphémères. Un poème à ceux qui sont fatigués, usés, déclassés, invisibles, violentés, ces hommes/femmes aux corps cassés par les charges, les douleurs, les coups endossés. C’est une chanson qui aident à tenir, des refrains chantés, la poésie de Prévert, Trenet et qui font de ces journées au cul des machines, des instants de toute beauté, les Ferré, les Brel, Les Fersen, Les Barbara. C’est un air qui revient sans cesse, un air comme un poème, une poésie où officient Thierry Metz, Arthur Rimbaud, Antoine Emaz, Thomas Vinau. Un chant à l'océan, à son odeur et sa vivacité, à l'ouvrier, à la vie.


A la ligne est un brasero, un feu de palettes, un fumigène dégoupillé comme on dégoupille une grenade, on lance une bouteille à la mer, comme ce quelque chose qui est beau parce que noir, révoltant mais nécessaire, vivifiant comme l’est l’air marin, comme le sont les petits matins où le soleil se lève dans la fraicheur des aurores. C’est la vie qui court, crie, rie, jaillit, sauve, interpelle, chante, slame, poétise.

A la ligne est d’une beauté sidérante, d’une écriture qui se découvre, un cri refrain que l’on chante pour se galvaniser, se donner de l’ardeur et du souffle à la tâche, à la ligne, à la chaine, à la vie.


« Et même si nous ne sommes que mercredi et que L’enfer sera sans doute ce nouveau samedi travaillé L’usine sera ma Méditerranée sur laquelle je trace les routes périlleuses de mon Odyssée les crevettes mes sirènes Les bulots mes cyclopes La panne du tapis une simple tempête de plus »


A la ligne. A la vie. A la beauté de des mots et de leurs poésies.



A la ligne de Joseph Ponthus fait partie de la sélection des 68 premières fois, éditions 2019. A retrouver sur le site, toutes les chroniques des éditions passées, en cours ainsi que les diverses opérations menées.



A la ligne Joseph Ponthus La Table Ronde



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