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  • Photo du rédacteurSabine

Joris Mertens - Béatrice

Dernière mise à jour : 17 mars 2021



La ville, le bruit des tramways, des camions débouchant des boulevards, l’effervescence du grand bazar, des grands magasins, des enseignes aux néons lumineux s’étalant sur les frontons des bâtiments bourgeois, cossus, la foule entassée sur les trottoirs, les pavés, traversant entre deux camionnettes placardées de publicités, de voitures aux larges vitres.

Elle, dans son manteau rouge, chignon bien serré, lunettes aux montures noires qui lui mangent le visage, rouge à lèvres crémeux, au milieu de cette masse compacte où personne ne regarde personne, où tous semblent converger vers un seul et un même lieu : la gare centrale. L’immense gare avec sa verrière, son hall anonyme et multidirectionnel, son cortège de voyageurs navetteurs banlieusards, ses trains aux sièges usés où chacun tente de trouver une place, sortir son journal, se cacher derrière les grandes pages dépliées. Manteau rouge dans l’uniformité ocre-gris-noir, visages fermées, sourires figés, gestes cadenassés.



Elle et ses livres, son train-train quotidien, ses rues qui l’emmènent vers La Brouette, grand magasin-bazar où s’étale le luxe. Le lieu de débauche des Dames parfaites et endimanchées. Uniforme rose, grands escaliers. Derrière le comptoir maroquinerie, le sourire obligatoire, sans sourciller, elle vend des gants en cuir, rouges, marrons, quelques violets ou bleus. Ce sont les tendances de cet hiver 1972. Les prix s’étalent, les mains se présentent. A peine le temps d’une pause, d’un repas entre collègues, les portes s’ouvrent et se ferment déversant, renversant son lot de clientes empressées d’acheter.


La vie dans cette masse uniforme, dans cette solitude triste où l’électricité est la fée des désirs, du quotidien aseptisé, fatigué. Jusqu’au jour où un sac rouge, un banal sac rouge, le détail que personne ne remarque, vient modifier le cours du voyage, de la vie. Un sac rouge et le temps du désir, du passé qui surgit.




Béatrice de Joris MERTENS est une bande dessinée où le graphisme prend tout son sens, où tout se lit, se devine sans un mot. La luxure, l’immensité urbaine, le quotidien banal et insignifiant, la fatigue, la solitude, le bruit, son ennui, la lassitude, la tristesse d’une vie inexistante, la langueur de la soie douce qui sépare du tourbillon de la vie. Tout est décrit, tout se devine sans un mot. Métro, boulot, dodo et « salut tristesse ».


Au fur et à mesure des pages tournées, un sac rouge, un appel, une urgence, des photos jaunies, un trou de serrure, un autre chapitre, une autre vie, les envies, la vie et Amélie Poulain qui nous sourit. Sans un mot, sans une parole, la lecture devient, l’histoire se développe nous emmenant à tourner les pages, à entrer dans le quotidien de Béatrice, dans cette vie qui se dessine sous nos yeux.


Un face à face auteur-lecteur entre un scénario et plan cinématographique photographié. Un arrêt sur image, sur le temps, chaque case nous racontant un détail, une histoire, chaque plan nous décrivant une atmosphère, le mystère, l’interprétation, la bascule, la poésie.


Béatrice ou ce petit bonheur à la Amélie Poulain où le désir, la vie se glissent sans un mot.



Béatrice

Joris Mertens

Rue de Sèvres



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