Une femme à sa fenêtre. Une femme qui guette. Quoi? Le retour de l’absent? Attendez, revenez en arrière. Pourquoi vouloir absolument faire entrer un homme dans le champ? Peut-être qu’il s’en va justement. Il s’en va, sa voiture au bout de l’allée, et tous les mioches dedans. Ou bien il s’en va, définitivement. La femme est seule, à sa fenêtre, et elle regarde dehors. Elle regarde son jardin qu’elle entretient avec amour. Elle regarde les oiseaux qui s’ébattent, et tracent dans l’air les invisibles guirlandes de leurs trajectoires. Elle est bien, là, seule jusqu’à l’infini, dans la lumière douce de ce presque hiver, de ce début d’été, on ne sait pas trop, si c’est le matin, l’aube bleutée, ou bien le soir, juste avant qu’elle n’aille s’asseoir à la vieille table de ferme, avec un livre et une tasse de thé blanc. Parce que c’est ce qu’elle aime faire, la femme à sa fenêtre. Jouir de l’espace de sa maison, et du silence qui y règne maintenant que l’homme a pris la clé des champs. Certains disent qu’il n’était pas seul, ce jour-là, dans la voiture. Une autre femme sûrement. Ou bien un homme. Après tout quelle importance? Elle, elle s’en moque. Chacun fait ce qu’il veut avec son cœur, avec son corps.
Une femme à sa fenêtre. Princesse délaissée dont les voisins se demandent ce qu’elle fait, là, tous les jours, à guetter le retour de personne. Car le temps s’est refermé sur la maison, ses volets, ses croisées. Une croûte, comme une mince pellicule de sel qui opacifie les carreaux, fige les plâtres, ternit les tuiles. Derrière, elle n’est plus que la silhouette floue d’une femme grise qui, un jour, a aimé. Mais l’amour, comme les couleurs et le café, a fini par passer. Il a suivi l’allée serpentine, entre les massifs d’hortensias et d’agapanthes, l’allée qu’elle avait maintes fois ratissée avec lenteur, perdue dans ses pensées. Elle n’est pas triste, non, bien sûr qu’elle ne l’est pas. C’est simplement que la bobine a cassé. L’image s’est bloquée à cet instant précis, à ce moment où il est parti, et elle est restée, là, à sa fenêtre, à jamais figée dans une attente qu’on lui prête. Une attente qu’elle ne ressent même pas, car son cœur est vide, et ses pensées, si on les effleurait, laisseraient sur le bout des doigts un peu de cette poudre étrange qu’on trouve sur les ailes des papillons. Vous savez, ces papillons desséchés, qu’on balaie sans y penser, dans les maisons de vacances que des cris d’enfants joyeux transpercent après les hivers trop longs.
Gwenaelle Péron est blogueuse, rédactrice du site Glaz Mag peintre (Gwenaelle Péron), écrivaine mais surtout bretonne dans l’âme, le pas, la vue, le toucher, les sens et les émotions. Chez elle, le mot se décline au pinceau, l’encre se mélange à la couleur, les phrases deviennent ville, harmonie, poésie picturale. Et c’est un vrai bonheur à découvrir.
On sent la lande, les grèves, le port, les embruns et la vie qui s’écoule au doux fil des saisons et du temps. C’est beau, fort, doux, rieur.
(Pour le respect de celles et ceux qui ont accepté de publier sur ce blog, les textes et les photographies sont protégés par le droit d'auteur. Merci de ne pas les reproduire sans autorisation !)
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