« Je m'interroge de plus en plus sur la finalité de ce voyage. Rencontrer Pascal Quignard ? Non. Je ne saurais que lui dire et les témoignages d'admiration, il doit en avoir plus qu'il ne lui en faut. Ecrire un livre sur l'écrivain ? Je ne crois pas. Pas une biographie en tout cas. Une dérive peut-être douce autour des lieux quignardiens. Sans doute est-il prématuré d'envisager un projet littéraire. J'engrange, me dis-je...[...] La solution ou l'ouverture, se dégagera un jour, au détour d'une phrase ou d'un paysage.»
Quel est le bruit de la liberté, son but, son tourment, sa fuite, son sens, sa folie ? Quel est son silence, son trop plein, son vide? Telles pourraient être sa perception, sa recherche, la quête d‘une naissance-renaissance, de ce vaste champ qu’est notre corps physique et émotionnel, de ce temps et espace, des sens et états. Telle est la vie, en perpétuel mouvement, disfonctionnement, paysages traversés, terrains en friche, à bâtir, à devenir, enraciner. Tel est notre chemin, notre liberté, nos domaines à conquérir, nos enlisements et sorties de routes, nos recherches. Tel est le bruit de la liberté.
Dans cet ouvrage, mi-récit mi-roman, mi-quête, Frédérique Germanaud nous emmène sur les traces de Pascal Quignard, l’homme Goncourt, l’homme ombre et lumière, silence et discrétion. Sans bruit, ni fureur, ou seulement celle d’une quête éternelle, celle de la liberté, de son odeur, de ses sens, de son bruit lorsqu’elle n’est jamais aussi proche de nous. Le point de rupture, la chute, le déchirement, l’obsession de la solitude comme tremplin à une renaissance. Courir vers l’aventure, embarquer, mots, crayons, carnets, cartes routières, chien, une vieille 4L démodée, mi carrosse déglingué comme maison ambulante, comme image de soi. Embarquer les souvenirs, les chutes, les romans de Quignard comme boussole. Se lancer sur ses traces, son mystère, retrouver l’itinéraire par ses mots, ses écrits.
« Il est si difficile de définir un individu. Difficile de lui donner la cohérence qu’il ne possède pas, de l’unifier, d’en rassembler les morceaux épars. »
Partir à l’aventure, à la conquête d’un possible, de son existence, de la solitude, des amitiés fondatrices, repères, de sa renaissance et du bruit de la liberté. Traverser les paysages comme on traverse la vie, comme on trace un itinéraire, ses racines, son champ. Travailler à se perdre, se trouver, tenter l’exercice, oser dépasser ses frontières, son confort, ce qui a été édifié par les bâtisseurs. Casser les schémas, le conformiste, le narratif pour éprouver, s’éprouver, s’ancrer, encrer. Se désociabiliser le temps d’une aventure pour revenir, retrouver sa quête, cheminer.
« Je réfléchis à ces lieux qui fixent, ancrent les textes. Disant ce que nous sommes tout autant, et peut-être plus que les personnages que nous créons. Parce que devant un paysage, nous baissons la garde. »
Frédérique Germanaud et ses mots, sa quête et sa force-fragilité-sensibilité d'écrire, d’une écriture, de se délester du trop plein riche et bruyant, du vide pour le remplir de sens, de silence, d'une solitude nécessaire qui ramène à la vie, à la beauté et au bruit de la liberté. Frédérique et cette façon qu'elle a d'apposer les colères, la vie, l'amour et l'amitié sans ébruiter, bousculer la cacophonie du monde, les conquêtes désabusées et leurs conséquences. Frédérique Germanaud et sa délicatesse, sa finesse, son écriture, son regard, sa richesse dans sa quête, celui d'une femme, celui d'une écrivaine, d'une autrice en quête des mots, d'une écriture, de son existence, sa liberté. Ses sens.
« J’aurais aimé écrire un texte qui ne dirait que cela l’attente du départ dans une maison vide et un été qui ne vient pas. Le bruit de la pluie sur une terre saturée d’eau. […] Nous ne faisons que répéter les événements qui nous fondent. Il ne faudrait jamais faire souche mais habiter léger. »
« Tous les matins du monde sont sans retour. » (Pascal Quignard, tous les matins du monde).
Le bruit de la liberté
Frédérique Germanaud
Editions La clé à molette
