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Florentine Rey - L'année du pied de biche

Dernière mise à jour : 12 déc. 2021





« Faut pas laisser faire la vie Faut faire la vie Balancer l’électricité sur le pylône en haut du pré et se brancher C’est là qu’elle est : sur le fil la vie »

*


Elle ne se souvient plus de la première fois où la poésie libre de Florentine Rey est venue chercher quelque chose en elle, où son écriture a creusé un sillon, ouvert une brèche. Elle cherche. Elle a besoin de repères pour pouvoir parler de ce livre, ce recueil de mots, cette année de pied de biche.


Car comment déposer ses mots, les siens, quand le sentiment si puissant de ne pas être la bonne personne vient s’infiltrer en elle, s’emparer de ses idées. ça lui fout le vertige rien qu’à l’idée de s’atteler à la tâche, d’attaquer frontalement, de montrer patte blanche, se livrer avec cette esprit de liberté, d’engagement, d’engager.

Qui est-elle pour parler de ces mots, de cette langue qui caresse, malmène, intrigue, ondule, percute, fait sourire, questionne, envoie, renvoie, joue ? Qui est-elle pour parler de l’absence, du désir, de la liberté d’aimer, de l’imaginaire qui virevolte dans chaque vers ? Qui est-elle pour affronter la liberté esquissée, les vers rapides et scandés ? Femme-fatale, femme-facile, femme-enfant, femme-invisible ? On croit s’en être débarrassées et celles-ci reviennent au galop. Femme-élan, peut-être, lorsqu’elle arrête de s’effacer. Femme courage ?


*

« Je voudrais que quelqu’un m’entende J’aimerai bien que ce soit moi »

*


Elle se braque, pose, observe, ré-ouvre le livre, ausculte chaque mot, relit les vers libres de toute entrée, clé ou serrure. Elle malaxe son corps, triture ses chairs. Telle une épeire tissant sa toile, elle promène ses doigts sur une fleur tentant de changer le climat en elle, de répandre la douceur, la tendresse, de « transformer les énergies en opéra ». Elle éprouve la paix, la détresse, la résilience, capture la nuit, entre en accord avec elle-même, abdique, remonte l’échelle de la mélancolie. Ses mains tournent les pages légèrement granuleuses, épaisses. Elles débordent du cadre, reviennent en arrière, virevoltent plus loin. Florentine Rey joue avec elle, avec sa lecture, avec le doux, le soyeux, le rapeux, la soif, la tendresse, la sortie de ligne, de route, la lâchement politique, écologique, le sexiste, la tranche de vie. Sensible, émotive, elle ventile les mots comme on ventile la vie, aère les pièces, abats les cloisons, ouvre le cœur. Et puis d’un seul coup l’absence emportant tout l’intérieur d’elle.


*

« Je me remplis de silence pour rester habitable »

*


La chaleur dégèle. Syndrome de l’imposteur encore une fois. Elle ferme les yeux et traverse à l’aveuglette, referme le livre, fait tomber les murs de ses cloisons. Elle libère l’armure.


Elle désire.

Elle écrit.


*


« J’écris des formes courtes pour ouvrir et fermer des portes et changer de costume entre deux poèmes »

*



L’année du pied de biche

Florentine Rey

Le Castor Astral

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