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Fabienne Swiatly - Saïd



« Saïd appartient au mois d’août, quand les enfants du quartier sont ailleurs. »

L’été et sa chaleur étouffante sont là. L’ennui des jours sans fin. Le temps semble se taire en décochant ses flèches d'un compte à rebours arrêté. L’éternité lourde et sans vie comme seules connaissent les petites villes du Grand Est, de Lorraine, désemparées, loin de tout, où la Moselle est la seule compagne de cités ouvrières.


Rien.


Assise dans un champ abandonné entre deux barres d’immeubles délimitées par un grillage, elle n’attend rien ou du moins juste que le temps passe. Elle n’attend rien. Et surtout pas ses deux grands frères, adolescents aux hormones décuplées par la bêtise et la colère abrutissante contre la vie, le monde, les autres. Surtout pas ses parents qui ont capitulé face à la fatigue et le désœuvrement général.


Elle attend le temps.


Un no man’s land. Une ligne de font. Une frontière physique entre les anciens, qui ont connu le bruit de l’acier rouge, et les nouveaux, qui ont traversé la Méditerranée. Les immigrés. Et elle au milieu. Dans son champ abandonné. Elle et sa poupée, seul luxe des collections de jouets démodés, qu’elle torture comme on torture l’ennui, la langueur, les mots et les silences, la pesanteur d’une famille, les monstres et les peurs. Elle n’attend rien et surtout pas Saïd à l’enfance algérienne, à l’enfance différente. Surtout pas Saïd et son ballon. Saïd qui comme elle, ressent l’étrange besoin d’être différent, d’être autre. Saïd et son destin blessé.


« Chaque prénom est le début d'une histoire singulière »

Lire Fabienne Swiatly, c’est ressentir toute la beauté silencieuse des âmes délaissées, esseulées. Ressentir la tendresse, l’empathie, l’humanité et sa beauté. La beauté des autres, d’être autre, différent. L’écriture se fait délicate, tendre, irrésistiblement simple, bouleversante. La narration découle lentement et pourtant en seulement quelques pages, Fabienne Swiatly y décrit un monde touchant, un univers propre au désœuvrement et à la richesse évidente qui en découle. Il n’y a rien de trop ou de pas assez. Juste la beauté solitaire, solaire, empathique, tendre.


Des tâches de rousseurs comme des étoiles perdues dans un monde dépourvus de tendresses, de douceurs. Un regard, des mots, l’enfance, l’amitié, l’altérité.


Et la poésie Fabienne Swiatly.



Saïd

Fabienne Swiatly

La Fosse aux ours

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