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Photo du rédacteurSabine

Etienne Kern - Les envolées

Dernière mise à jour : 23 févr. 2022



« Tout en marchant, je voyais défiler ces images que j’avais collées dans mon cahier gris, toi les mains ouvertes, un pied sur la rambarde, le soleil dans les yeux, une cloche de tissu sur le visage. »

Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’amour s’envole, meurt devant les caméras, les appareils photos, devant la foule venue admirer le saut de l’ange du premier homme à tenter l’expérience d’une nouvelle invention, un saut en parachute du premier étage de la Tour Eiffel. La folle épopée d’une Belle Epoque, d’un Paris des années 30. Il n’aura pas fallu longtemps, quelques secondes pour essayer de tromper la mort, de vaincre les lois de la physique, de l’apesanteur, d’une magie. Un geste de fou, désespéré, insensé, ou un acte d’amour. Nul ne le sait. Le pied sur la rambarde, une invention, quelques pas, une croyance, un rêve et le vide, le drame. Un corps sur la parvis, un rêve envolé.


Quelques secondes et les ailes d’une autre éternité.


Les ailes de ceux qui ne sont plus, ont glissé leur pied de la rambarde, se sont envolés. Le choc brutal. Le sol gelé d’un mois de février, le silence des disparus. Le silence de ceux qui restent, les cris de la foule, les murmures des fantômes, des secrets, les mystères, la souffrance, la folie du dernier souffle, du dernier geste, du regard à tout jamais fermé. L’indélébile empreinte, les amours déchus, échoués, tombés, brisés. La passion. Et le souvenir des disparus.


Il y aurait tant à dire sur ce premier roman d’Etienne Kern, sur le charme et la beauté, la fragilité des amours, du désespoir, des gestes fous et des actes démesurés, de la tentative, de la victoire et la croyance en la science, l’invention, l’espoir, la poésie. Un matin où le jour se lève doucement, encore enroulé dans sa brume, son brouillard, sa genèse. Le miracle de l’amour, de l’invention. La lumière blanche, trop forte, trop blanche, éclatante, éclatée. La rambarde, le saut et le vol, l’envol. Un suicide ou une glissade ? Sans un bruit, dans le murmure, les envolés.


Etienne Kern nous raconte une histoire avec une sensibilité fragile, gracile, délicate, humaine. On vit dans son texte, on vit dans ce Paris de la Belle Epoque, les manques, les folies. On déambule, erre. Le cheminement devient le notre, une mélancolie. Dès le début le désastre est écrit, on sait et connait le drame et pourtant la dramaturgie, la sensibilité nous enveloppent et nous offrent un regard tourné vers nos propres failles, nos espoirs et désespoir, nos fragilités.


La beauté de Les envolés réside dans ce charme, la délicatesse, la sensation de cette fragilité, de la quintessence incendiaire de l’amour, de la passion, de l’écriture, d’une errance mélancolique dans un Paris où les fantômes côtoient la réalité. Il n’y a nul mot de trop, juste le silence, le mot ciselé, l'écriture tout en retenue, en délicatesse, un geste ultime, la tendresse pour un personnage, pour des disparus, des envolées. Tel un dernier geste, un dernier regard avant de les oublier et d’écrire leur histoire, leur vie. D’écrire le drame, une romance, donner corps à l’amour, la puissance du souvenir porté en soi, tel un murmure, une empreinte. Telle la passion lorsqu’elle s’envole, laisse un geste désespéré, une dernière danse, un dernier baiser.


L’obscurité.

Une déchirure.


Les envolés.


« Les gens que nous aimons, nous ne pouvons rien pour eux. »

Les envolées fait parti de la sélection 2022 des 68 premières fois.


Les envolés

Etienne Kern

Gallimard




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