top of page
  • Photo du rédacteurSabine

Erri De Luca - la nature exposée


Je suis troublée, émue. Je ne sais comment je vais pouvoir parler, dire ces émotions que j’éprouve devant la force et la beauté de ce roman, la tendresse folle pour l’homme, pour ce qu’il a en lui, dans lui, pour ce qu’il est avant tout, avant d’être homme, un humain, un être constitué de peu, de lui, et qui dans sa générosité peut être quelqu’un de bien, de simple, d’humble, vrai et surtout respectueux. Je ne sais pas. 


Erri de Luca, un homme, une écriture qui nous expose, nous relève, nous fait regarder, aimer, respecter celles et ceux, les riens, les tout, cette nature qui nous entoure. Cet homme qui d’un mot, d’une syllabe, d’un geste innocent, quelconque, d’un silence, d’une parole nous offre l’humanité sur un plateau. Le tout avec une humilité, un respect… Humble oui, comme le monde, l’humain devrait l’être. Erri de Luca évoque la politique, la croyance, la nature même de l’homme, la clandestinité, la foi, la générosité, les fêlures, le sacré et le profane, la solidarité, la compassion, la simplicité, l’universalité.

De ce roman, j’ai eu envie, besoin de noter chaque mot, d’écrire sur un carnet chaque phrase comme on sculpte, on grave dans le marbre des syllabes, des lettres, comme on suit la veine du minéral, celle qui donne la sève, la puissance, la nature de la chose même, la force de ce qui en sort. J’ai eu besoin de m’imprégner de la beauté de l’histoire, de cette nature sauvage, brusque, forte, intransigeante et préservée qu’est la montagne, de toucher la matière endurcie par le gel, le froid, la ténacité, la rugosité. J’ai eu envie de croire en lui, de croire en cette sagesse de l’humain, cette foi en l’homme, d’aller au-delà de mes simples croyances et goûter à la source cette lenteur des êtres, cette bonté simple humaine.


J’ai lu la pierre, au-delà de sa minéralité. J’ai lu les mains qui l’ont sculptée. J’ai creusé la veine de la passion d’un christ sur sa croix, ce sexe dénaturé, cherché à le dénuder, le rendre dans son plus simple appareil et au-delà de toute religion et croyance. J’ai poli les mots des évangiles, des testaments, sourates et autres versets. J’ai cherché à comprendre pourquoi ce monde ne pouvait se rencontrer autour d‘une table, d’un repas, d’un coin de plage. J’ai parlé à un rabbin, un curé, un évêque, un ouvrier algérien qui à chaque parole émise, m’ont enseigné une de leurs sagesses, une ouverture d’esprit sans chercher à me théoriser leur enseignement, leur Dieu. J’ai sculpté les croyances pour revenir à la matière, la source, le minéral. 

J’ai compris qu’en chaque homme, il y a un cœur, une foi, une chance, un bonheur, une tendresse, une douceur, la peur, l’incompréhension, l’attente et des doutes. Il y a aussi la traitrise, la volonté d’amenuiser l’autre, de rendre coupable une injustice pour devenir plus fort. Mais il y a avant tout l’homme. L’homme dans sa simplicité, sa nudité, son exposition à la lumière dans le plus simple appareil, son humanité, sa solidarité.

Et il y a ceux qui tente de s’orienter dans les nuits noires et profondes, de passer les cols, de traverser les monts et vallées, de trouver des plaines verdoyantes, des chemins moins escarpés, de faire face, de baisser les yeux face à ceux qui ne les aiment pas car différents d’eux mais de continuer à lutter, à croire en l’homme, en son prochain. 


J’ai lu Erri de Luca. J’ai lu sa croyance, sa foi. J’ai réfléchi sur cette notion de « réfugié », cette notion de passager. J’ai sculpté moi aussi ce Dieu crucifié sur sa croix, j’ai entaillé sa chair, sa nature. J’ai ressenti sa gêne, son besoin. J’ai trouvé sa veine. J’ai trouvé en ce livre ce que j’avais besoin de lire, de croire, d’entrer en osmose avec ma foi, l’universalité de l’humanité, de la générosité, la simplicité, la bonté, la compassion et surtout la solidarité fraternelle. 


Erri de Luca est plus qu’un simple écrivain, poète et traducteur. Il est un homme et c’est peut-être dans ce mot simple que l’on retrouve ce qui fait cette force et cette bonté de lire « la nature exposée ».



La nature exposée Erri de Luca Gallimard

1 vue0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page