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Emmanuel Régniez - Madame Jules


« L’amour, le vrai amour ne peut s’épanouir que dans le secret, dans la fiction du secret. Le désir n’est qu’un complot. »

Madame Jules aime Monsieur Jules, son mari, son amant. Elle l’aime à en faire tous les vices et les caprices érotiques possibles. Les délices suprêmes de sa peau contre la sienne, de son sexe dans le sien, dans la jouissance et la plénitude absolues de la chambre à coucher, du « grand lit blanc grée de dentelles ».


L’amour comme un décor, un artifice aux plaisirs et aux délices, aux ébats de la relation passionnelle entre Madame Jules et Monsieur Jules, son mari, son amant. Le grand amour, l’ivresse de la fièvre, la douceur et la folie du verbe aimer, l’insouciance du bonheur, l’espoir fou, insensé, puissant, uni, jouissif. L’amour et le bonheur du couple accompli, qui a réussi et fait envier par leur position sociale gravie à la force de la passion et de l’ambition, de la chance et du hasard, par le désir fou qui émane entre Madame Jules et Monsieur Jules, son mari, son amant. L’amour avec un grand A. La passion avec un grand P.


Mais quand est-il réellement quand au cours d’une soirée, à l’abri des alcôves et des regards, les incertitudes, les questions se jouent du désir, de la passion. Quand est-il quand l’amour que l’on croyait, pensait flamboyant, immortel, devient un jeu compromis, une question insidieuse qui grandit dans la tête, le cœur, le corps ? L’amour passion peut-il être éternel dans la chambre, dans ce « grand lit grée de dentelles » ? Quand est-il quand les doutes effleurent la peau comme les caresses effleurent le sexe ?


« On a beau cacher son secret, on a beau enfouir au plus profond de soi ses phantômes, penser qu’ils ne reviendront jamais, ils remontent un jour ou l’autre à la surface. »


« Connaissons nous la part nocturne des êtres, leur secret, leurs secrets amoureux ? »


Encore une fois, et après un premier roman envoutant et complètement hallucinogène (relire absolument Notre château, un roman envoutant découvert dans le cadre des 68 premières fois), Emmanuel Régniez a écrit un grand livre :  Madame Jules et Monsieur Jules, son mari, son amant.


L’histoire qui pourrait sembler aux primes abords, comme une bluette entre Madame Jules et Monsieur Jules, son mari, son amant, devient une histoire qui monte en puissance, nous entraine dans sa dramaturgie, dans un univers au-delà des alcôves rouges de passion. Il entre dans les dédales de l’âme, l’incertitude et les méandres du cœur. Ce qui était un philtre devient un poison. L’imposture se dévoile, souffle ses braises chaudes de contradictions, de doutes et de clairvoyances.

Affranchie des codes du bien séant, comme une boucle en perpétuelle recomposition, un univers à la Maurits Cornelis Escher ou à un Honoré de Balzac et sa Comédie Humaine, il nous emmène dans les affres de la relation et la passion amoureuse, les tourments des jeux de l’amour et du hasard (n’en déplaise à Marivaux) à n’en plus finir.


L’écriture monte en puissance, déflorant notre intimité, jouant sur nos désirs et caprices, nos rêves et jeux. La déstabilisation est permanente, pulsant nos désirs et nos fantasmes fantomatiques (ou phantasmes phantomatiques). Le monologue intérieur de Madame Jules raconte nos monologues, nos questionnements, nos affres et doutes. Ceux de l’amour, de la passion, du charnel, de la question que l’on se pose tous en regardant l’autre « tu penses à quoi ? A toi, je pense à toi ». Comme une petite musique baroque qui s’immisce dans notre tête et notre corps, le rideau tombe dévoilant notre intimité et nudité absolues. Et c’est puissamment beau, fort, déroutant.


Emmanuel Régniez est sans conteste un grand écrivain qui aime semer le doute, l’incertitude des sentiments et des émotions. Le lire est entrer dans un univers charismatique, ingénieux, gothique et parsemé d’une poésie étrange, flamboyante, rare, à la limite de la folie et de la psychologie. Il joue sur l’étrangeté des sentiments, les secrets qui fourmillent en nous, n’osent se dire, se chuchoter tant ils paraissent enfouis, verrouillés, fantasmés et fantomatiques. Il égrène son histoire d’un univers fantastique aux confins de nos frayeurs et doutes, questionnements, sur la relation humaine, l’amour, la passion, l’individu. Il balaie d’un revers le protocole, titille nos désirs et désillusions, nos brouillons de carapaces, nos retranchements.


Et c’est beau. Beau comme un premier, un deuxième roman et un autre encore qui nous donneraient l’envie de poursuivre sa route, de continuer à le lire, dans une boucle éternelle, un voyage aux confins de nos incertitudes, nos folies, nos espoirs et nos rêves. C’est beau comme une écriture qui ne cesse de se renouveler, d’une tonicité toxique envoutante, insolite, captivante, obsédante, poétique. Terriblement bien écrite. Terriblement bien maitrisée. Hypnotique (et une dernière partie en apothéose).


« Nous ne sommes pas coupables de nos fautes, ni toi, ni moi, car nous n’avons fait qu’aimer, nous ne sommes coupables que de mal aimer, que de ne pas comprendre qu’aimer ce n’est pas que le désir, ce n’est pas que le plaisir, aimer c’est être avec l’autre. »


Madame Jules

Emmanuel Régniez

Le Tripode

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