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  • Photo du rédacteurSabine

Emma Marsantes - Une mère éphémère




« J'ai un cerveau et j'ai un trou dedans. Ça pousse. Ça entre. Ça descend. Maux de cœur et mal de mer. Flux. Reflux. Ça coule. Je me noie. »

Il y a des romans dont on ne pourra jamais oublier le dégoût et l’envie qu’il a procuré, la douleur, l’abject, le foudroiement soudain d’envoyer tout valser, le mal de bide (parce que ventre n’est rien à côté), la colère, la haine, la douleur dans toute sa splendeur, l’indicible cri. Ils sont des baffes, des revers, des mots impossible à écrire tellement ils sont inexprimables, tellement l’écriture exprime, est sa suffocation, son effroi, sa vérité, sa puissance, sa folie, sa survie, sa vie.


Je ne dirai jamais assez combien ces écritures au forme fragmentée qui inventent une langue, une histoire, s'éparpillent dans les pages, sont un ensemble de mots, qui une fois ramassés, viennent se projeter sur mon visage, mon corps, mon âme. Rien n’est facile, rien n’est laissé au hasard. Ça cambre, chahute, fout un bordel monstre, m'oblige à sortir de mon confort, cherche à m'offrir sa place, sa langue, ses sons, fortifiant les silences, construisant les absences mortifères, mortelles, monstrueuses, incestueuses, inces-tueuses.


« Chacun meurt comme il peut. Je m'évacue. »

Il faudrait revenir à Marguerite Duras pour comprendre combien écrire est un cri, une métaphore de ce que l’on vit, croit, traverse, une mouche en fin de vie qui ne sait plus comment respirer, un mot comme un couteau aiguisé qui vient couper sec les viscères, mettre fin aux rêves et espoirs, fait entrevoir la solitude et la folie l’état pure. Il faudrait écrire, entendre les cris, les lire, quitte à crever, vomir, à s’extraire du monde, le quitter, ne plus y revenir, mettre fin, le corps au bout d’une corde, les jambes en sang, l’écœurement coupable.


« On ne voit pas la folie. Quelquefois seulement on la pressent. […]Je ne crois pas qu'il puisse en être autrement. » (M. Duras – Ecrire)


Il faudrait lire Une mère éphémère d’Emma Marsantes pour sortir de soi l’unique. Donner naissance. Entendre les mots, écouter la langue, comprendre que le lecteur est seul maitre à bord mais que ce bord est dicté par quelqu’un qui écrit. Quelqu’un qui a tout sorti de soi, a laissé couler l’encre qui ne se lit pas. Quelqu’un qui peuple sa vie à coup de mots, à coup de chair, à coup de vide. Et écrire à l’infini pour rendre l’incroyable à la force de l’écrit, à la fragilité des mots, la résolution de braver la vie.


Il faut avoir le cœur, le corps, les viscères, la folie bien accrochés pour aborder Emma Marsantes, de Mia et de sa famille, son écriture, être plus fort que ce que l’on lit, avoir le courage de se cramponner aux mots. Mais comment ne pas entendre le cri, comment ne pas lire ce qui est écrit.


Une mère éphémère est un livre démesuré, une dernière suffocation et soudain un souffle, le souffle libérateur, le coup ultime d'une possible folie. Celle de naître, qu'importe le sang, qu’importent ses armes, qu’importent ses larmes. Et naitre. Ecrire.


« Ecrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. » (M Duras – Ecrire)


« Comment survit-on ? On ne survit pas. On attend. »

Une mère éphémère

Emma Marsantes

Verdier


(Lu dans le cadre de la pré-sélection des 68 première fois - merci Aux Editions Verdier pour le service presse offert)

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