« Il y a tant d’errances dans une vie, tant de chemins rebroussés, tant de routes abandonnées et d’autres prises par hasard, par accident dirait-on mais justement les accidents mes amis, les échappés, les embardées qui font virer de bord et prendre des chemins de traverse qui se révèlent être des routes, il y a tant de moments d’égarements dans une vie qui ne sont pas des faiblesses non mais des respirations, des ponctuations. »
Les histoires d’amitié sont comme les histoires d’amour. Elles sont ce long fleuve apaisant, cette douce rivière ou ce torrent qui emporte tout.. Mais des romans qui en parlent avec autant de douceur, de tendresse, de délicatesse sans tomber dans les clichés, peu. Très peu. Elles ont cette part de reflet, ce miroir que l’autre nous tend, un baume, l’inconstance du moment, des cicatrices indélébiles et nous apportent profondément ce quelque chose, ce furtif moment où l’on accepte de faire confiance, une aide à notre chemin, un sentier serein, apaisé.
« Lucille a tout de suite compris que nous serions inséparables […], non comme une prédiction hasardeuse, non comme une décision, comme un choix, elle a décidé que je serai sa meilleure amie, c’est ainsi que l’on s’appelle à cet âge là, c’est ainsi que l’on s’appelle toujours, même quand on a plus l’âge mais qu’on s’est connu à cet âge »
Les mijaurées sont cette histoire. Une histoire entre Clara et Lucille, deux jeunes filles qui se rencontrent sur les bancs du collège, en classe de quatrième. Deux jeunes filles aux tempéraments différents mais complémentaires. Avec elle, on replonge dans les années 80-90, les années top 50 et autres florilèges musicaux et sociétaux qui fleurissaient à ce moment là. On s’y reconnait. On reconnait nos premiers amours, nos premiers chagrins, nos rires de jeunes filles qui voulaient paraitre un peu plus âgées. On sourit à nos failles, nos tendres émotions, nos premiers interdits bravés, nos voyages escapades.
Inlassablement les mijaurées sont nous. Et inlassablement, elles sont comme un baume, une tendresse, un reflet que nous gardons bien au chaud, même si une douleur peut surgir. On garde la lumière. On s’emmitoufle dans la tendresse de ces moments et on grandit avec. Ces amitiés nous font nous.
« Et puis entre nous, il y a les mots, tout le temps les mots, parler, parler, ne jamais être rassasiée de l’autre. A peine sommes-nous rentrées chacune chez soi que nous nous appelons au téléphone, pour parler sans cesse, parler toujours. Non pour dire mais pour parler, pour continuer à exister, pour occuper ce temps de vacance l’une sans l’autre, pour étancher la soif que nous avons de nous voir par la parole, la futilité et, immanquablement, le rire. »
Elsa Flageul a écrit un roman où ses deux héroïnes sont profondément et universellement nous. Tour à tour Clara ou Lucille ou les deux en même temps. Nous sommes ces deux jeunes filles qui se disent oui sur un banc de collège et qui partent affronter la vie, sans cadeau et sans répit, mais avec ce bonheur de savoir que l’autre croit en soi, l’autre demeure là, pas loin, juste à quelques encablures de pensées, de mains.
Les Mijaurées sont cela. Une œuvre qui se construit pas à pas. Un chemin lumineux qui serpente, nous fait rencontrer des personnes à des moments de nos vies, des personnes qui nous accompagnent sur nos sentiers pour de longs kilomètres ou une simple balade. Un roman qui nous procure des moments d’émotions, un lâcher-prise à celle que nous sommes. On reconnait la générosité de l’auteure, son regard, ses silences et son écoute sur la vie et sur les gens. On y sent l’empreinte de ces femmes qui ont traversé des chemins pour se rencontrer et se trouver, trouver leur place. Tendresse et délicatesse.
Une écriture qui illumine de l’intérieur ces êtres de chair et de sang éveillant nos souvenirs, nos émotions, nos fragiles instants de vie et nous rendant présent, nous invitant à les aimer peut-être encore plus. Et on en vient à se souvenir des personnes que l'on aime, que l'on regarde, écoute, sont présentes. On en vient à les aimer encore plus comme une magnifique promesse, un bien-être absolu, une joie de partager un moment, un avenir avec elles, eux.
« Les blessures de l’enfance ne s’impriment pas en vous, elles vous corrigent, elles modifient votre trajectoire »
« Nous sommes toujours là »
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