« Ce n'était pourtant pas l'image que j'avais de moi-même. Je me croyais émotive, sensible, et je l'étais bien sûr, loin au fond, mais l'esprit avait tout recouvert. […] Tout restait à apprendre. À désapprendre. C'est long d'abandonner une armure. »
Partir, fuir, s’écarter du bruit du monde, des souffrances et maux, des doutes, des risques de la vie. S’éloigner du moi, de l’autre, des autres, tergiverser, crever son plafond de verre et se tenir sur le fil en équilibre précaire, malmenée. S’inventer des lieux, des nids réparateurs, des greniers, des retraites monacales. Rechercher la perte de vue, se perdre de vue, se tenir dans l’exil, l’ile cocon, une chambre à soi, entre deux vagues.
Laisser parler la douleur, filtrer les maux, avancer, nager, entendre l’appel. S’enliser dans les sables, se tenir face aux vents, aux embruns, affronter les boussoles, s’égarer, prendre les chemins escarpés, s’assoir sur les bancs désertés face à l'océan, la mer Devenir, revenir au plus près de soi, du cœur, à l’humilité de ce qui est, de ce qu’on est. Se mettre à nue et réparer, suturer la plaie, cicatriser.
« Je grimpe, silencieuse. Ma chapelle à moi, c'est la mer. »
Ressac est ce cheminement, cette cassure qu’il faut accepter pour rapiécer les tissus entre eux, recoller les pièces décollées, recoudre les maux, sourire aux fantômes, aux vivants, atténuer les angoisses et les profondeurs abyssales des traces et vertiges. Dans l’aventure d’une retraite, d’un lieu à soi, d’un exil volontaire et silencieux, monacal, Diglee s’appuie sur ce qu’elle est, sa quête, une recherche, un besoin.
« Je veux être celle sur laquelle m'appuyer quand je coule. »
Il n’y a nul sentiment méditatif ou transcendant. Quelques écarts mystiques peut-être. Juste un pas de côté, une immersion loin du monde, loin des accidents qui malmènent, brisent les corps, agressent, noient. Il agit comme un besoin, un baume, un recueil-récif-sauveteur-bouée, une plage place, une tempête nécessaire et généreuse, libératrice, lumineuse, vibrante.
Il ne faut pas y chercher un récit ou une écriture qui emportent. Plutôt un besoin. Le besoin de cinq jours d’errance aux confins de soi, auprès de cette terre sablonneuse bretonne, iodée, lande pierreuse et minérale, entourée du réel, de la beauté primaire, nécessaire à chacun, à sa survie. Cinq jours et s’en remettre à la mer corps et âme, au ressac cassant et vagues tempétueuses, à l’étendue maritime qui répare, ressource, ouvre les vannes, rapproche de ce soi si précieux, vivant, important.
« Ce qui est hors de moi est aussi en moi, je suis le dehors et le dedans, et je prends d’elle sa force et sa droiture. Ses murs sont mes tuteurs, et je me nourris de leur immobilité. Je ne ploierai pas. Une force venant du sol m’ancre chaque jour un peu plus. »
Cinq jours à soi. Cinq jours et une chambre à soi, une chambre où écrire. Une chambre où revivre. Une autorisation à déserter, à couler et revenir. Autoriser la cicatrice à devenir le point d’où s’échappe le vide, l’éblouissement, la réparation, absorbe et redonne la vie.
« Des lieux aimés, on se défait de surprenante manière. »
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