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  • Photo du rédacteurSabine

Delphine Roux - [Kokoro]


« [onwa, tempéré]
Ma sœur et ma grand-mère se ressemblent. La même cambrure du corps quand elles regardent la mer, le même sourire discret. Grand-Mère se laisse aller au gré des jours que nous passons sans autre projet que de profiter du sable, de l’eau, de la forêt, des jappements du petit chien roux de Mitsu. Tout me semble irréel et ancré à la fois. Je nage au loin, me réchauffe les os, bercé par le cri régulier des mouettes. Le plus souvent je suis silencieux. Parfois je cours dans les vagues avec les petites, me transforme en dauphin qu’elles chevauchent en riant. Seki nous regarde jouer. Pour le moment, elle ne participe pas. Seki prend le temps, je crois, de se défaire des coquilles vides accumulées. »

Certains livres nous transportent, nous émeuvent tellement qu’il devient impossible de les reposer une fois les derniers mots lus. Ils demeurent en nous comme une poésie, un long mantra qui infuse son parfum, sa poésie aérienne, si douce et tendre, cette douce destinée, une force solaire digne d’un Daruma à qui on aurait, avec le temps, colorier les deux yeux, comme un vœu espéré. Ils sont justes là, présent dans le temps, pour nous emmener loin, nous faire voyager dans un univers sensible et disparate où tout mouvement se pose, ralenti, où toute vie se vit comme elle doit se vivre, dans la mouvance de l’éternité revenue.

[kokoro] de Delphine Roux en fait partie. Un petit livre objet comme on en lit peu, comme on caresse des yeux lorsque renait une nouvelle édition, lorsque sous les mots, déjà lus lors d’une session précédente des 68 premières fois, se dessinent des personnages, des lieux, une féérie.

« Du balcon, j’entends les cris des enfants de l’école d’à côté. Parfois, je reste des minutes sur mon futon à les écouter chanter, se bagarrer, rire, faire semblant de. J’ai faim de leur enfance en bleu marine, je ne serai jamais repu de ce début d’existence, jamais rassasié. »

Il y a bien sûr la douleur, la souffrance présente, le deuil qu’il nous assaille, la mort de l’enfance, la mort de cette part qui est en nous et ne reviendra jamais, cette part qu’il nous faut non pas accepter, mais laisser partir comme on laisse partir ce qui nous fait mal, ce qui nous fait souffrir. Il y a la lente résurgence, la fenêtre qu’on ouvre comme on ouvre sa porte à la vie, on laisse le vent de nouveau venir nous caresser, nous tendre sa joue. Il y a l’acceptation, le regard qui s’aiguise, renait, se retrouve. Il y a la solitude, l’absence, les silences qui ne sont plus poids morts mais complicités, renaissances. Il y a la vie et cela dans chaque mot écrit, dans chaque étape qui se construit.


« En un sourire embué, Seki a pris mes doigts entre les siens, comme du temps où nous roulions sur le petit chemin. Mon Daruma venait de recouvrer la vue. Vers trois heures, dans le creux de mon lit, j’ai pensé que je voulais des enfants, une femme à aimer. J’ai pensé que peut-être j’étais prêt. »


[Kokoro] est une pépite. Une de celle que l’on se surprend à relire, à retrouver avec toujours cette même beauté, ce raffinement, cette douceur suprême propre à la culture japonaise, à cet envoutement enveloppant, renouant avec la vie, l’instant d’un bonheur partagé, une enfance qui n’est plus mais qui permet d’avancer. Il est comme un fil conducteur, un fil de vie, une approche lumineuse et d’une douceur lovante, caressante, pénétrante. [Kokoro] est de ces lectures que l'on note pour ne pas oublier.


« Dans ton jardin secret, n'oublie pas un carré pour les mauvaises herbes. » « Je savais qu'il faudrait du temps pour que les chocs de toutes ces années sourdes se muent en cicatrices douces au toucher. »

Editions Philippe Picquier

« Du courage alors. Oui j’en aurais. A ma petite façon. »

A noter les illustrations de QU Lan qui accompagnent cette nouvelle édition. Sublimes de poésie.


[Kokoro] Delphine Roux Illustré par QU Lan Edtions Philippe Picquier

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