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Delphine Arbo Pariente - Une nuit après nous

Dernière mise à jour : 23 févr. 2022




« J’ai pensé à tous ces tiroirs remplis à ras bord de nos rêves qui enflaient enfant dans nos têtes, ces rêves intactes qu’on a fini par plier dans des armoires en bois fermées à clé, bien à l’abri au milieu des taies d’oreiller et des traversins en lin… […] J’ai réalisé combien nos vies étaient bâties sur des fondations fragiles, friables comme une pâte brisée. Moi, enfant, je voulais écrire. Par-dessus tout, écrire. »


Rencontrer, le désir. Se brûler, brûler la chair, les chairs, à la chair, aux corps, aux mains, aux lèvres, entrer en collision avec soi, l'autre, son regard, se livrer, livrer les mots, les blessures de l’enfance, les jamais dits. Celles étouffées aux creux des draps trop blancs, des ventres affamés et criant, luttant contre un destin tracé. Brûler, irradier, consumer, incandescent. Le silence, les silences, l’oubli car oublier est plus facile, affronter le regard, les regards, se livrer, livrer sans artifice ni costume trop grand, trop petit.


Se livrer entièrement, totalement, ouvrir la trappe, descendre dans les caves, dans l’encre, ouvrir le corps. Libérer, une à une, les chaines cadenassées, ouvrir en grand. Jeter les clés, les bouées, les ancres qui retiennent, déracine. Donner. Se donner. Arrêter de se camoufler, de murmurer dans un quotidien trop quotidien, de gommer ce qui devait être.


La passion.

Vincent, Paul.

Rosalie.

Et un père.

La violence d'une enfance, la violence d'une vie.


La vie.

Paul, Vincent.

Vincent.


Traverser sa vie, son quotidien, Etouffer, S'étouffer. Dépeupler ses rêves, ses envies. Se libérer, Libérer. Etre dans l’urgence, dans l’appétit, dans le vivre, la puissance du désir insondable, de ce qui est plus grand mais inconcevable à ne pas vivre, à ne pas donner. Aller à la rencontre de de l'autre, de soi. Aimer et écrire l’histoire, son histoire, pousser les mots, la colère, l'exaltation, la folie, ce qui broie le ventre, brise les larmes, raye la violence d’un passé à la dérive.


Pourquoi écrire, comment écrire ?

Etre. Etre dans le présent. Ecrire.

Le cout de sa vie, d'une vie. A soi.


Se brûler à la chair, à la passion telle quelle, nue, descendre en soi. Pousser les mots, l’écriture puissante et forte, silence d’une dentelle ciselée, intime, au couteau qui devient, prend corps, chambre de résonnance, envoutement d’une caisse claire, d’un développement de soi, d‘une chambre à soi, d’une écriture qui nait, gronde, se libère. Besoin, désir. Etre dans les mots, dans l’écriture, est. Se confronter à soi, aux colères, à la violence subie, aux mots, coupe-feu de tout, coupe-feu du monde. Se faire face. Oser se libérer, se déployer.


« Cet enfant, c’est moi, je viens te chercher. »

Le désir.

Le corps.

Le feu.

La brûlure.

La passion.


Si aimer n'est pas l'appel du désir, si écrire ne se conjugue pas à la vie, au besoin de se brûler, sentir, faire face au silence, au monde, à son monde, s'étaler, crier dans la nuit... Dans ce qui se lit, les plis des corps, du corps, du désir de vivre, de se livrer à la passion, aux mots. Dans l'urgence incandescente de transpercer les âmes et les cœurs. Vivre, se vivre telle que la vie, la passion se vit. Nue et complète. Entière. Et tout ce qui est si difficile de dire, de se construire, de construire, d'être, devenir.


Ecrire.



« Aimer cela ne s’invente pas. »

« J’ai commencé à comprendre le jour où j'ai commencé à écrire, arrêtant de courir sur les tommettes. Il y avait ce que j'étais prête à donner et ce que j'étais vouée à retenir. Mon histoire était emballée dans du papier journal, parfois quelques lettres s'en échappaient, formant des mots, rarement des phrases.... »

Une nuit après nous fait parti de la sélection 2022 des 68 premières fois.


Une nuit après nous

Delphine Arbo Pariente

Gallimard




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