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Photo du rédacteurSabine

Daishu Ma - Feuille


Une ville où toute vie semble s’être arrêtée, où la moindre particule d’air semble dissoute dans un semblant de canalisations transformées en un vaste réseaux de tuyaux, où la poussière, la pollution, la saleté, les détritus prennent le pas sur le bruit sonore et ambiant, détruisant la nature, le vol des oiseaux et les feuilles restantes.

Une ville où le temps s’éternise, s’écoule au rythme lent de ce qui ne se passe plus, ne s’entend plus, ne se regarde plus. Une ville où finalement les habitants s’habituent à ne plus se parler, se voir qu’entre deux ampoules d’une clarté grisâtre bleutée vacillante, dans un brouillard dense qui obscurcie un ciel gris et des feuilles tombant au gré d’une pollution présente,


Emmitouflé dans son pull et écharpe, un homme marche dans la forêt et est interpellé par une feuille d’un bleu phosphorescent, translucide. La ramassant, il entre dans une autre dimension, celle du questionnement, de la raison qui lui font décider de sortir de cet ensemble, cette tuyauterie-usine qui semble gouverner la ville, sa vie, ce sentiment d’usure et de rythme pernicieux qui l’étreint.

Un roman graphique muet captivant, envoutant, sur ce besoin de nature, d’air, de lumière qui nous entoure, nous envoute, fait réfléchir, agir, rêver, nous bouleverse, sauve, fait espérer un monde nouveau où la nature reprend ses droits et nous donne foi. Un roman graphique construit après le tsunami et la destruction de Fukushima, de la terrible mise en question de l’homme et sa responsabilité face à la nature, son pouvoir destructeur et sa motivation à faire naitre un monde nouveau.

Il y a quelque chose de poétique, d’interrogatif dans ce roman, un graphisme onirique qui nous interpelle dans nos émotions, nos replis humains, nos questionnements face à notre pouvoir destructeur et cette volonté qui nous réveille, nous procure un choc, un espoir à retrouver, à reconstruire un monde meilleur, lumineux, où les hommes s’humanisent, sont solidaires.

Le crayonné est d’une poésie délicate. Tout en finesse, en trait et crayon gras, pointe de mine grise, agrémentée d’une touche de ce bleu azur et d’un jaune éclatant, il raconte à lui seul ce monde qui nous entoure, nous interroge, nous pousse à regarder chaque case comme un trésor, une question, une remise en question face à la nature. Et si la feuille est une ramification, une naissance, un prolongement de l’arbre, cette feuille est aussi une image, une allégorie de la vie silencieuse qui nous pousse, nous interroge face à ce monde qui nous entoure, ces tâches quotidiennes, ces univers polluants, un monde sans vie ni oiseau, ni émotions.

D'une simple page, de cases se répandant en gaufrier, l'univers se tisse, se trame, donne, modèle ce monde fait de canalisations, tuyaux. Tout est en énigme, envoutement, mystère et comme les ombres des personnages, au fur et à mesure des pages tournées, la lumière jaillit, devient, illumine.

Un roman graphique qui demande attention, fait réfléchir et mouvoir dans nos idées, nos pensées, nos idéaux. Un roman qu’on pourrait presque qualifier de politique si la poésie qui s’en dégageait n’était pas si délicate, si douce, tendre, juste. Mais n’est-ce pas aussi le rôle de la poésie de nous remettre en question et nous interroger, qu’elle soit faite de mots ou graphismes, de proses ou de traits ?

Un roman graphique faisant songer à ces cycles de vie, qui se détruisent et renaissent au gré et rythme des saisons et de la participation de l’homme à sa perte, sa destruction, sa construction.



Feuille

Daishu Ma

Presque Lune




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