« Oh Barbara Quelle connerie la guerre » (Jacques PREVERT)
Quelque part au dessus de Melville, une ville entourée d’immeubles, de buildings et autres aiguilles jouant avec le ciel. Un jour qui aurait pu être comme un autre. Un jour qui aurait pu ressembler à la veille. Ou à son lendemain. Des voitures qui se suivent, dans l’attente de pouvoir avancer dans cette longue et interminable avenue. Des bus qui déversent sur les trottoirs, ces voyageurs au regard baissé sur leur téléphone portable, les oreilles reliées à une musique, un son coupant du monde, ces couples qui avancent au milieu des autres, sans prêter attention à ce qui les entourent.
Melville. Une ville comme il en existe des milliers. Moderne, citadine, rutilante, à l’abri de toutes intrusions. Une ville, des hommes, des femmes qui ne prennent plus le temps de s’arrêter, de pendre le temps de regarder plus loin que leur image photographiée.
Melville qui borde l’océan, la mer.
Melville entre avenues et grattes ciels.
Melville et son monde contemporain, entre ennui et égocentrisme.
Aujourd’hui, c’est le jour des baleines. Le jour où de longs cétacés ont décidé de descendre l’avenue, de voler au dessus des immeubles. De leur nage langoureuse et remplie de grâce, ils ont envahi l’espace, longeant les murs, les fenêtres, arrêtant le cours du temps, semblant provoquer un émerveillement, une ode à l’océan. L’envoutement est absolu, l’onde poétique. Un vol de baleines, de cachalots, de bélugas qui pourrait annoncer le retour d’un monde pacifique disparus ou à venir.
Mais qu’en est-il réellement pour les tout-puissants ? Pourquoi ce vol au dessus des têtes ? Que doit-on comprendre ? Est-ce une invasion ennemie poussée par les vents du Nord ? Passé le moment de la stupeur et d’étrangeté, le pouvoir craint. Melville a peur. Melville s’arme et entreprend la chasse à la baleine blanche, grise.
Comment ne pas penser à l’esprit de Moby Dick, à Herman Melville et son histoire de pêche à la baleine, l’allégorie d’un monde tout puissant qui chasse pour mieux assouvir sa vengeance, sa force, sa toute puissance ? Comment ne pas voir, au-delà des armes qui harponnent les cétacés, les empêchant de voler, de nager dans les airs, les tuant sans le moindre regret, l’esprit saisissant du bien et du mal, de la vie et la mort, de la survie d’une espèce qui, de ses lents mouvements graciles, ne fait que survoler une ville ?
L’horreur de la guerre, de la destruction d'une espèce, de la toute puissance armée, des gradés, qui de leur bureau ovale, ordonnent. L’horreur et le jeu de la peur, de l’ennemi à anéantir.
Un ouvrage tout en poésie surréaliste, au crayonné doux, aux pastels grises et aux pourtours noires. Un « roman » graphique nous questionnant sur notre monde, un monde qui a décidé d’assoir sa toute puissance et de détruire ce qui ne le nuit pas mais l’insupporte. Un manifeste pour la sauvegarde des espèces maritimes, des baleines et autres cétacés, des animaux et si on étend la réflexion au monde autre qu’humain. Un livre d’une poésie folle et à la fois grave dans sa réflexion mais nécessaire et d’une beauté saisissante.
« Ô homme, admire la baleine, prends modèle sur elle ! Toi aussi, conserve ta chaleur au sein des glaces Toi aussi, sache vivre en ce monde, sans être de ce monde. Garde ta fraicheur sous l’Équateur et la vivacité de ton sang au pôle. Comme le grand Dôme de Saint-Pierre, et comme la grande baleine, ô homme, sauve ta température propre en toute saison» (Herman MELVILLE)
Les bulles de la semaine sont à retrouver chez Moka
J'aime beaucoup l'ambiance du trait ! Je veux voir ça !
Le graphisme est superbe !
Esthétiquement magnifique! Je note le titre.
Les illustrations sont superbes !
Je suis tentée (comment ne pas l'être ?)
La couverture m'a tout de suite fait penser à Shaun Tan aussi ! Elle a l'air magique cette bd !