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  • Photo du rédacteurSabine

Christophe Chabouté - Terre Neuvas


« Avons quitté le port le 26 février 1913 à la marée du matin à destination des bancs de Terre-Neuve pour une nouvelle campagne de pêche. Le 4 mars 1913, 6ème jour de route, le vent passe au suroît avec pluie et grosse bise. Mer houleuse. Le 8 mars, 10ème jour de route. Forte bise, avons essayé un gros coup de vent, mer grosse. Le 22 mars, 24ème jour de route. Le temps s’étant remis au beau, nous reprenons notre route cap à l’ouest, la Marie Jeanne a encore une fois bien résisté à la tempête, aucun dégât à bord. Les estomacs du novice et du mousse sont amarinés. […] Le 5 avril, première marée, la morue est au rendez-vous »

Chaque année, les terres-neuvas prennent la mer direction les bancs de morues, ces poissons qui font la richesse des marins, ces poissons qui annoncent la prospérité pour nos gars qui en bavent sur les rafiots, les navires, les goélettes bretonnes.

Mais « la mer est une garce et une salope. Elle te cache le vent glacial qui tranche comme une lame, la tempête hurlante, la brume qui t’égare, la déferlante sournoise. » La Marie Jeanne embarque à son bord, un équipage fait de marins aguerris, des gars sans peurs mais pas sans reproches, des durs à cuire. Car pour partir en campagne vers Terre Neuve, il en faut du courage : affronter la mer, le froid glacial, les icebergs, les colères froides du capitaine, les maladies, les jalousies, les coups bas, la haine, les noyades, la saleté et le manque d’hygiène, la violence, l’alcoolisme et ses ravages, la lenteur du voyage et du mal du pays… « le terre-neuvas est un galérien, un forçat, un bagnard »

Le 4 avril, après 37 jours de navigation, de tempêtes traversés et icebergs évités, la Marie Jeanne et ses 28 hommes atteignent enfin les bancs de morues. Premières mouettes qui annoncent les terres de Terre Neuve.

Les hommes mettent les doris à la mer pour préparer la pêche.


« Sur les bancs il n’y a qu’un seul mot : morue !! C’est la loi des bancs : quand la pêche est bonne c’est pêche ou crève !! C’est le poisson qui décide ! ».


Les tensions montent, la colère et la violence à chaque coin de mat, les coups sur le mousse ou l’boueux (ancien paysan) volent. Et l’alcool n’aide pas à rétablir la paix à bord. Un matin, on découvre le corps de Léon Chevet, le Second, inanimé, un couteau du Bosco dans le ventre. Bientôt un deuxième corps est retrouvé, éperonné.


Christophe CHABOUTE est le maitre de la bande dessinée graphique. Une case est chez lui est une œuvre d’art, un bijou. Le trait toujours fin, ciselé, n’épargnant aucun détail, il joue du crayon et de l’encre noire comme d’autres jouent de la palette graphique. Unique et somptueux. Un maitre du découpage, du scénario minimaliste et du dessin. Un récit huit clos, étouffant, dur avec des gars pas faciles à gérer.


La violence est dans chaque mot, chaque geste, sous jacente. Elle se brise sur les tempêtes qui ne font que lui donner de l’ampleur. Les conditions de vie sont palpables à chaque case : la dureté, le manque d’hygiène, la crasse, le métier qui rentre, les gestes et regards remplis de violence, la mer qui emprisonne les hommes dans la goélette pour 8 ou 9 mois de l’année, la puanteur du poisson qui croupie dans les cales ou sur le pont.


Terre Neuvas ne vaut pas « Tout seul » (le chef d’œuvre absolu) mais reste une petite splendeur dans l’art de Christophe CHABOUTE. On retrouve son génie, son savoir faire graphique et narratif, l’art de nous mener de case en case, de nous faire frissonner par l’ambiance, l’atmosphère de Terre Neuve.



Terre Neuvas

Christophe Chabouté

Vent d'Ouest

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