Chloé Cruchaudet - La croisade des innoncents
- Sabine

 - 30 janv. 2019
 - 3 min de lecture
 

« Mes pauvres enfants, mais est-ce que vous savez seulement à quoi ressemble le monde ? Jérusalem est par là. Ça, c'est nous. Un tas de petites choses. Si on s'éparpille, il suffit d'un rien.... soit on tombe hors du monde, soit on se retrouve tout au bord, ce qui est presque pire. »
Je  m’appelle Colas, jeune garçon de quelques années. J’ai commis le pêché  de voler une coque de noix à ma petite sœur Margotte. J’ai commis la  pire des atrocités, la donner en pâture aux porcs entassés sous ma  couche de paille, la faire tomber du grenier où je mettais refugié suite  à la rouste de Père et l’indifférence de Mère. J’ai fauté en réveillant  l’ogre qui sommeillait en moi, m’obligeant à dérober le bien d’un plus  petit et fragile que moi. 
Alors  j’ai fui, par-delà les forêts et les paysages, les bosquets et les  ponts qui enjambaient les rivières et les vallées. J’ai fui jusqu’à  trouver un endroit qui me semblait enfin un lieu où je pourrais me  coucher, entendre le  doux bruit des hommes et des femmes, de ceux qui  peuplent une terre qui les respecte. Bien m’en a pris, les hommes ne  sont pas de bonne foi, de bon aloi. Ils sont menteurs et voleurs. Ils  utilisent quiconque leurs semblent être plus petit, plus fragile. 
Moi  Colas, moi Colas l’enfant maudis, l’enfant qui a commis le pêché de  défigurer mon âme sœur je vais faire croisade, pénitence de mes fautes.  Je vais prendre la route de Jérusalem. Tel me l’a dicté le Sauveur,  celui sur la croix, celui que l’on m’a montré un jour dans l’église  voisine. Ma croisade, celle de mon innocence retrouvée, celle qui me  donnera la foi de devenir un adulte humain et civilisé, un élu de Dieu.
« Notre seule arme sera la parole. Seulement des discours et des prières. »

Chloé Cruchaudet  est certainement une des graphistes et narratrices de l’univers des  récits dessinés qui ose le plus, décale son regard. Elle aborde sans  équivoque mais avec une infinie tendresse ceux qui affrontent d’autres  univers, d’autres chemins, s’engouffre dans les marginalités pour mieux  affronter les peurs et les craintes, trouver une renaissance, une autre  vision.
La croisade des innocents fait partie de ce cheminement. Son empreinte narrative se retrouve dans la trame de l’histoire, l’histoire de ces enfants entreprenant une croisade vers Jérusalem. Des petits mendiants à l’œil torves, à la mine miséreuse et aux mains chapardeuses. Des héros à la capeline déchirée et au pantalon troué, aux genoux écorchés, sautillant de souches d’arbres en place de villages à dépouiller. Malgré leurs vols et actes violents, l’histoire nous prend aux tripes et nous met dans les mains, les aventures de ces enfants mal aimés, non désirés et qui deviennent au bout du compte victimes des adultes bien plus voleurs et cogneurs qu’eux. La tendresse se dessine, l’innocence se lit et l’affection pour cette bande de croisés encore juvénile devient poétique. On se plait à croire à leurs rêves, à cette aventure incroyable, à leur croyance absolue pour un ailleurs meilleur.
L’univers graphique de Chloé Cruchaudet  dessine cette croisade moyenâgeuse. On y côtoie le végétal luxuriant  des forêts magiques, la dureté de la vie, la misère qui cogne sous les  pieds, les cailloux qui glissent sur les têtes et les corps jusqu’aux  falaises menant à la mer libératrice. Les visages, les paysages sont  expressifs et se tracent entre poésie et violence d’un monde encore  farouche, terrible, superstitieux et incertains. Loin de toute  animosité, on entre dans les tons donnés, les touches de ce violet, qui  rend les nuits ténébreuses, émouvantes et belles, la lune pleine à en  faire pâlir les peurs et craintes, les verts fougères et marrons boisés  d’un univers rêveurs, les jaunes lumineux et solaires. Elle manie les  contours tout en poésie et expressivités qui font de cette croisade, une  réelle aventure remplie d’espoirs, de beautés et laisse éclater la  vérité.
« Les adultes trahissent, ils sont grossiers… »
Les bulles de la semaine sont à retrouver chez dame Noukette qui nous revient toute pimpante d’Angoulême.
La croisade des innoncents
Chloé Cruchaudet Noctambule







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