top of page
Photo du rédacteurSabine

Chantal Thomas - Souvenirs de la marée basse



«  C’est le sable de printemps, frais, un peu humide. La marée est basse. J’enlève mes chaussures et je m’en vais, au loin, tâter l’eau. Le froid me grignote les chevilles. Je laisse mes pieds se réhabituer au sol incertain, à l’eau mouvante sous la pression du courant, au mystère d’une unique respiration animant l’eau et le sable et traversant mon corps. J’ai retroussé mon pantalon. J’ai envie de m’avancer plus profond. Par le jeu de la marée montante, c’est la mer qui vient à ma rencontre. » 

Entrer dans l’écriture comme on entre dans l’eau. Naitre, renaitre et nager avec douceur, élan. Se souvenir de cette vague, de cette marée, de cette onde sensuelle et mélancolique à nager dans la lecture, s’imprégner de ce parfum, se sécher à la bise langoureuse du vent. Nager, lire à perte de vue, sans entendre les bruits, faire corps avec l’eau, les mots. N’être plus qu’un. N’être plus que sensation organique, aérienne. 



« Nager m’est venu en jouant. Comme les tortues je suis passée sans effort du bain de soleil au bain de mer, me contentant seulement de tendre plus haut le cou. Je n’ai pas ressenti l’événement d’un saut à un autre niveau, mais une apesanteur de plus en plus sûre, une confiance totale accordée à l’eau, une confiance indissociable d’un sentiment d’amour. »

Souvenirs de la marée basse est beau, envoutant. Un voyage maritime entre océan et mer, entre Arcachon et la Baie des Anges. D’un bassin à une anse, d’une plage de sable fin à une de galets, d’une marée montante et descendante à une mer « morte ». Indéfinissable, précieux, profond, une réminiscence qui ne peut se dire mais se ressentir. Une ode à la mère, à la mer, à cette bulle qui nous plonge dans l'état de l’enfance. Fort, délicieux comme les premières et dernières fois. Comme ces bonheurs que l’on fuit de peur qu’ils se sauvent.


Un récit roman de Chantal Thomas, un récit mélancolique, nostalgique, sensuel, doux, profond,. Une ode à l’amour maternel, au-delà des meurtrissures, des perfections imparfaites, contraires aux bonnes mœurs, aux usages, l'album d’une vie, d’une enfance où l’auteur se raconte, raconte le rapport charnel de sa mère, d’elle même et de l’eau, ce besoin vital de toucher, nager.


L'écriture de Chantal Thomas se déploie, ondulant comme la vague, libérée et jouant entre le flux et le reflux, les marées, sautillant et égrainant les souvenirs d'enfance, transformant une quête d'amour en une possibilité, un savoir entre deux âges, entre deux courants. On y côtoie les instants précieux, la sensualité de la nage, de la transmission, les questionnements de l'enfance face à une mère absente, changeante, évoluant dans l'eau d'un canal ou d'un lac quand l'océan appelle. Chaque mot nous ramène à l'eau, à sa portée et sa mémoire, sa puissance de guérison et de nostalgie, l'énergie d'un sillage transmis, d'un héritage légué., hors du temps, hors d'un temps,éternel.


Chantal Thomas glisse sur les souvenirs, déploie sa nage, instillant les sauts d'humeurs maternels en vague de découvertes et de compréhension comme un parfum de vacances, une ode à la mer, à ce liquide qui fait renaitre les esprits oubliés.

« L’eau ne se possède pas. Et nous de même : lorsque nous entrons dans l’eau, nous ne nous possédons plus. »



Souvenirs de la marée basse

Chantal Thomas

Seuil/Points



9 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page