« Je suis un chauffeur de taxi qui doit se débrouiller pour transporter sains et saufs des gens d’un point à un autre, le plus rapidement possible, sans se perdre, sans avoir d’accident, sans se faire arrêter par les flics, sans se retrouver avec une balle dans la tête. »
Christophe Chabouté est sans contexte le maitre des noirs et des blancs. Il peut tour à tour sublimer les noirs, les rendre poétique, doux ou au contraire effrayants. Il peut jouer avec la balance des blancs, les sublimer dans la neige ou une tempête maritime, travailler les portraits en les angulant, les rendant rugueux, âpre et d’une beauté folle par ce grain qu’il sait leurs donner. Il est un maitre, le maitre absolu du graphisme, de la poésie dessinée. Rare sont les auteurs que je suis, dont j’achète quasiment tous les albums et qui à chaque fois me donnent autant, me procurent autant d’émotions. Rare sont les maitres comme lui.
Ces récits-histoires sont toujours riches, scénarisés, sculptés à même la page. Le regard cherche, se pose, trouve son équilibre, travaille la perspective dans les aplats, les profondeurs de champ, les perpendiculaires et parallèles. Il remet l’humain là où tout semble impossible, redonne l’épaisseur aux personnages qui deviennent acteurs de la scène, de l’histoire, eux pourtant si invisibles aux yeux des autres, aux yeux du monde. Il interroge notre regard, notre vision, s’empare de nos émotions avec un simple banc, un noir profond, une balançoire ou un ballon. Il donne la vie aux objets, une fenêtre, une porte, un vélo ou un simple passage piéton. Tout est construit, tout est vie. Un story-board en permanence, une leçon de cinéma imagé, dessinée, scénarisé.
Yellow cab est encore et peut-être plus cela. Plus travaillé. Les codes cinématographiques, les personnages qui défilent comme défilent des acteurs dans Taxi-driver de Scorcese, ayant pour seul espace un taxi, pour seule vue, les rues de New York défilant sous nos yeux à travers un pare-brise. New York qui devient l’acteur principal, ses rues, ses buildings et monuments, ses feux et avenues qui se croisent sans cesse, ses fils qui serpentent entre deux immeubles ou au dessus de son métro, ce métro justement qui transporte une population, traverse la ville comme ses taxis aux couleurs jaunes traversent l’espace, rendent matériel ce qui disparait.
New York est son atmosphère, New York et sa population.
New York et sa sensibilité cosmopolite, géographique, sociologique.
On plonge dans la ville comme Benoit Cohen, taximan au volant de son yellow cab. On plonge, on découvre, on se salit, on se trouve, approfondie, rencontre, se confronte, se nourrit de sa force et sa fragilité, de sa richesse et sa sensibilité, de ses pires défauts et ses immenses qualités. Big Apple. L’extravagante. New York et son aventure humaine du tout ou rien.
Et Christophe Chabouté encore une fois, au commande d’un roman graphique qui nous emmène loin.
« C’est peut-être aussi ça le film. Une succession de rencontres, de portraits de new-yorkais, de lieux pour dire cette ville. Mais comment parler de New York sans y inclure la fiction ? Tout est fiction ici. Bigger than life. Tout est référence. Chaque coin de rue est un décor, chaque passant un personnage, c’est aussi cela le thème du film. »
Et pour celles et ceux qui aiment l’univers graphique, architectural, New York, prenez le temps de vous perdre dans le Art-Book de Chabouté. Une grande leçon dessinée.
Pas besoin de le noter... Dès que je vois un Chabouté que je n'ai pas lu, je l'emprunte !
Je ne crois pas avoir déjà lu l'un de ses albums (gloups)
Je ne suis pas sûre d'être embarquée malgré ce que tu en dis et ton enthousiasme.
Mais il faudrait d'abord que j'essaie bien sûr !
pas fan du noir et blanc mais tu donnes envie !!
Je n'ai lu qu'un Chabouté, "Tout seul", mais c'est faute d'opportunité plus que d'envie que je n'ai pas poursuivi l'exploration de son œuvre.
Ah ce Chabouté que j'aime tant. Je n'ai pas lu le roman, mais la BD m'intrigue.