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Celia Levi - Les insoumises

Dernière mise à jour : 9 août 2019


« San…, le 06 octobre


Ma chère Louise, […] Ce n’est pas notre manière d’agir qui était erronée mais nos personnalités qui étaient trop romantiques. Nous sommes si loin l’une de l’autre et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi proche de toi, aussi semblable. […] Nous voulions tout, nous n’avons rien eu. Nos âmes pures et romanesques aimaient les livres du 19ème siècle, nous voyions la vie comme des héroïnes de livres sans voir que la société avait changé, qu’il ne suffisait pas de dire « à nous deux » pour vaincre. » Renée »

J’ai toujours éprouvé une admiration pour les correspondances, une forme de nostalgie face à l’ère du numérique, des réseaux sociaux et de la volatilité des relations quelles soient amicales, amoureuses ou familiales. Garder une trace, celle qui dure dans le temps, qui prouve l’existence d’une relation, d’une correspondance, d’un échange, d’un temps que l’on a donné à l’autre pour lui répondre, partager, émettre, raconter.

Ecrire une lettre est un acte qui demande la confiance, l’amour, la passion, la volonté de garder un contact, de répondre et livrer une partie de ses sentiments, ses questions, réponses, sa vie. Il n’y a pas de plus bel acte que celui là : se livrer tel quel dans l’absolue vérité des mots et des phrases qui s’écrivent. Une forme de non résignation, d’insoumission à la rapidité et l’obsolescence des emails, sms et autres formes de courrier électronique.


Il y a quelque chose comme d’effroyable beau et fort dans ce premier roman de Celia Levi, comme libérateur, une forme de révolte face à la vie, à la résignation, l'ennui dans lesquels on se noie, la férocité violente dans laquelle on nous/s'enferme. Il y a quelque chose comme de vivant, d’insurrectionnel, un cri dans le silence de la vie moderne, une colère noire et belle, une insoumission à tous nos chemins, nos idées que l’on range sagement dans un coin de nos rêves. Vivre de/dans sa passion, vivre dans l’amour, l’amitié, la force des relations, la nostalgie d’un monde meilleur dans lequel où se reconnaitrait, dans lequel les destins et existences seraient possible, sans entrave ni chaine, sans ligne droite tracée d’avance, sans jugement ni loi. Un ultimatum jeté à nos vies, notre monde standardisé.


Louise et Renée. Deux amies inséparables mais que la vie va embarquer chacune de son côté. Renée part vivre la Dolce Vita en Italie tandis que Louise reste à Paris étudiait l’histoire de la révolution française. Mais on ne raye pas une amitié par une simple distance. A l’heure où la technologique nous donne la possibilité de communiquer différemment, Renée et Louise puisent dans la correspondance leur force de vivre. L’une et l’autre épanchent leur rêves d'une vie, d’une société où enfin elles trouveraient leur véritable place.

« Ce qui est beau dans l’écriture c’est justement l’attente. J’aime attendre tes lettres, j’aime déchirer les enveloppes, déchiffrer tes hiéroglyphes »

Aussi indissociables qu’amies, Renée et Louise retracent cette nostalgie, ce cri, cette révolte, se brûlent, aiment sans contrepartie ou complaisance, rêvent d’un possible, se rebellent contre le système, contre elle aussi. Elles osent sans limite pousser les portes et au-delà de leurs idéaux. Elles se battent avec leurs propres armes dans la rage et fougue de la jeunesse, de la vie, des colères saines et vivifiantes. Elles s’enhardissent de courage et de volonté. Passionaria chacune à leur façon.


Sans complaisance, " Les Insoumises " jette une lumière puissante sur nos colères, nos cris silencieux, nos rages de vivre. La force, la puissance de la jeunesse de ce roman épistolaire engagent nos émotions, emportent nos sensibilités, fragilités, détruisent nos questionnements face à une pensée unique, une omniprésence de la force et l’obéissance. Par la forme classique donnée, les lettres échangées entre ces deux jeunes filles sont d’une finesse dingue, un cri de révolte, de volonté, d’être dans une justesse de la société.


Il y a des livres qui nous emportent dans un tourbillon, dans un véritable vent de révolte, d’écrits, de cris mais surtout de vie. Il y a des romans qui sont urgent à lire, à découvrir, relire. Des mots lus qui nous laissent à la fin comme une formidable rage, un cri à envoyer paitre tous ces beaux penseurs, moralisateurs, codeurs qui peuplent notre société. Un roman mille fois beau, fort, vif, intelligent, écorché, rebelle, vivant et servi par une plume maitrisée, ciselée, incroyablement fine, d’un romantisme classicisme révolutionnaire. Un petit bijou qu’il faut absolument découvrir, lire, la rage au ventre, la vie comme compagne d’errance, la beauté à chaque instant comme bonheur capital.


« Finalement, nous sommes toutes les deux déraisonnables ; toi tu es une idéaliste, tu penses vivre dans la réalité, du moins pour elle, tu crois que tu vas pouvoir changer le monde toute seule alors qu'en fait tu rêves éveillée, moi je suis une évaporée, qui recherche le bonheur à tout prix, et le plaisir comme une forcenée. Qui aura raison de la vie ou de nous ? »


Les insoumises

Celia Levi

Editions Tristam

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