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Bérangère Cournut - Oraison bleue


« Les pierres ont cette forme d’éternité qui nous manque et nous rassure. Peu importe leur chimie, leur physique, leur nature complexe et difficile à comprendre… Ce qu’on cherche à éprouver, à rouler dans nos mains, c’est leur beauté, leur matérialité sensible. »

Cher toi,

Cher toi qui a disparu,



Il aurait été tellement plus simple de t'écrire de ton vivant, d'effleurer nos mots et d'y plonger nos mains, de ne pas être qu'être mais être. Mais l'oraison a sonné et les cailloux qui emplissaient nos poches t'ont rappelé.


Tu nous as quittés. Porté disparu. Envolé. Tu es parti et il y aura toujours une part de toi en nous. Un toi décidant de tirer sa révérence, prenant un autre chemin, rejoignant le bleu du ciel et laissant de côté celui de la rivière où des pierres constituent son lit, ressac de ce qui vient de plus loin résonne et coule sous nos pieds. Des bouts de cailloux friables, fragiles, coupants, lumineux, étranges, beaux. On sait bien que demeureront en soi, les souvenirs, les silences et la lourdeur de ce qui est. On le sait qu’il faudra accepter les silences et les secrets jamais avoués, les sensibilités de ce qui ne peut se dire, se murmurer, de casser la roche pour trouver le noyau, en faire son "diamant", son minéral, rouler sous ses doigts la rondeur, porter au cou ou au poignet sa luminosité, caresser dans sa poche la douceur. On le sait qu'il faudra passer par ses étapes pour poursuivre sa transformation du monde, de soi.


« C’est alors seulement qu’en haut du musée, depuis la cafétéria où l’on peut plonger son regard dans les eaux mêlées de la Saône et du Rhône, un caillou s’est glissé dans le fil de mes pensées, de mes émotions. »

Une lettre à. Et tout ce qui se dit. S’écrit. A lui ou à soi. Une lettre pour arrêter de se mentir, de mentir, de dire que la mort est passée par là et qu’elle n’a pas rendu le corps ami, que les pierres ont joué leur rôle, rempli leur mission : unir les souvenirs et le rapport au monde. Les sensations et l’existence. La poésie.


Une lettre à l'ami.

L'ami perdu.

L'ami retrouvé.


A la poésie des mots. A la poésie des minerais. A la poésie des pierres, des cailloux que l’on serre secrètement dans ses mains pour la force et la beauté, la joie et la douceur. Pour les souvenirs et ce qui fait avancer.


Une oraison bleue.

Bleu azur.

Bleu azurite.


« Les mots ont parfois un pouvoir plus puissant que la chimie, ils transforment une matière broyée en espaces purs, en voyages, en horizons pleins de mouvement. »


Oraison bleue

Bérangère Cournut

Cambourakis



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