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Photo du rédacteurSabine

Barbara Baldi - La partition de Flintham


« Plus personne ne viendra ici à Flintham. Les amitiés les plus importantes s’en vont avec la mort de grand-mère. Tout est fini. »

Décembre 1850. Quelque part dans la campagne anglaise qui borde les Midland. Pas si loin de Notthimgham et son appel londonien. La neige recouvre de son blanc manteau les longs et monotones paysages, les rudes collines désertiques, la triste forêt de Sherwood, berceau des contes pour brigands et pilleurs de manoirs. Un comté où seuls les loups hurlent aux abois, où seuls quelques corbeaux volent encore de fenêtres en fenêtres.

Flintham Hall Manor.

Un hiver rigoureux que cet hiver à la jonction d’une nouvelle année. Un hiver rigoureux pour Lady Clara et sa sœur qui viennent de perdre leur grand-mère, Lady Sutherland.


« On s’y attendait, mais pas si vite ».


Pas si vite, pas si violemment, si tristement dans le cœur de Lady Clara. Alors dans la tristesse de cette saison où tout est figé, le testament et l’héritage se lèguent et se déchainent. Clara se voit confier le manoir familial, ses jardins au grand dam d’Olivia qui hérite d’une richesse équivalente. Olivia qui a toujours préféré la liberté, la vie libre et mondaine de Londres. Clara, plus secrète et réservée, plus artiste que libertine et libérée. Olivia la colérique. Clara la sentimentale. C’est dans ce climat froid et glacial que ces deux sœurs vont se confronter à leurs vies, apprendre, devenir. L’une va partir à Londres, suivre sa destinée de jeune fille gâtée, profitant de la vie et des richesses, des aventures qui dilapident les portefeuilles de lords amoureux promettant un mariage enrichissant. L’autre va s’enfermer dans une tristesse, un courage, une fragilité incertaine, une émotion à fleur de peau, pour sauver un royaume qui se perd, se retrouver au bord de l’abandon, la faillite, la décrépitude d’un manoir hanté.


Il y a du Macbeth, des sœurs Brontë ou autre Jane Eyre dans cette bande dessinée d’une toute jeune auteure, Barbara Baldi. On retrouve les fastes pour les histoires d’amour à l’anglaise, les tristes demeures qui se perdent dans les héritages, les jeunes filles en fleur qui se voient confier leur vie entre fougue et désillusions, entre ivresse et courage.


Mais ce qui fait ce récit, c’est la lente mise en narration de l’histoire. Tout est noir, ténébreux, glacial, quasi irrespirable tant l’abandon semble présent, la décrépitude du manoir est réelle. L’ambiance est sans équivoque. Tristesse et mélancolie. Nulle lumière ou astre d’un amour qui soulèverait les montagnes et emporteraient le cœur de Clara, le domaine vers d’autres horizons. Le vent souffle sur la lande perdue, les tempêtes sont multiples et déchainées. Seul dans un coin de pièce se dresse un clavecin, ultime partition d’une vie rêvée, d’une mélodie qui semble s’achevait. Seul indice de vie et de mélodies. Une immersion entre une chandelle, une bougie tenue à bout de main, un soleil qui semble percé entre les nuages, ultime lumière semblant luire dans cette noirceur sublimée, et une lente agonie annoncée, une détresse fragile, un avenir incertain.

Il ne faut pas lire cette bande dessinée pour y trouver la fougue ou l’intensité d’une histoire mais pour y deviner la lente émotion, les sentiments qui ne se disent pas mais se dessinent, les yeux aux bords des larmes, le corps frêle et fragile. On lit cette BD pour l’atmosphère, l’ambiance à la Bruegel, les lentes mises en avant d’un Millet ou encore d’un Pissarro pour ces paysages, d’un Monet et de sa pie. C’est charbonneux comme l’est ce comté anglais, noir et à la fois lumineux par la touche de cette lumière qui semble se glisser entre les nuages et les lignes de vie. On oscille, on capte, on revient, repart, mélange les techniques et se laisse porter par cette touche mêlant symbolisme et modernité, mélancolie aigue et romantisme revendiqué.


Il faudra suivre la plume et la haute technique de Barbara Baldi dont la partition de Flintham est la première œuvre. Il faudra la suivre car derrière la délicatesse, la fragilité, les émotions se cache un grand devenir d’une auteure et illustratrice.




La partition de Flintham

Barbara Baldi

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