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  • Photo du rédacteurSabine

Aurélie Foglia - Dénouement

« Certains, il suffit de s'approcher un peu, tout de suite on entend le bruit de leur cœur. Il toque comme quelqu'un qui cogne jour et nuit du dedans avec insistance sans que personne lui ouvre. D'autres rien. Pas grand-chose. Seulement la petite pompe classique qui fait son travail. »

La vie, l’amour quand le souffle s’éteint et qu’il ne reste rien. Rien à vivre de cette vie qu’on s’était promis un jour d'union. La vie à deux, puis à trois. Et puis plus rien. La décomposition finale. Plus rien à vivre, plus rien à aimer, plus rien à unir. La lente décomposition et disparition. L'anneau retiré du doigt, le corps asséché, le cœur desséché. Femme, mère, fille. Qu’importe. Tenter de renouer à la vie quand la vie se sépare, s’érode dans le présent, n’est plus l’avant ni l’après. Recommencer, tenter, oser, refaire les mêmes erreurs, les mêmes errances, reproduire des schémas déjà vécus... ?


Le clair-obscur dans l’ombre de celle qu’Elle a été, dans la vie qui s’offrait et s’offre de nouveau. Mépriser ce dénouement dérisoire, cette fuite en avant, cet espoir vain de croire qu’il est possible de se reconstruire, renaître, redevenir la fille qu’Elle a été. Oublier le tragique quotidien dans lequel elle se noyait : réveil, mère, enfant, école, boulot, repas, boulot, école, enfant, mère, repas, mari, femme, amante, repos. Minable vie à l’heure du bilan.


Fuir. Se rappeler à la vie. Croire qu’il n’y a pas que la rencontre fortuite, le fiasco possible, l’errance des corps qui se rencontrent, s’essaient aux jeux de l’amour et du hasard. Dénouer. Folie névrotique. Au bord du précipice. Dénouement.


« La mer remonte après s’être éloignée »

Une vie de couple, une vie qui s’éteint dans le pathétique du quotidien qui échappe, s’enlise, mince fil qui relie. Une femme dans le brouillard, dans le dénuement du rien, de ce moment où tout s’échappe, s’étiole, est bancal, cherche un nouveau souffle, une autre vie, un autre possible à vivre. Le dénouement dans le dénuement. Trouver l’issue de secours, tenter de reconstruire une vie quand tout s’extrait de soi : la femme, la mère, la fille, l’amante, la maîtresse, soi. Se débattre. Séparer l’ivraie de l’ivresse, de tout ce qui bloquait, empêcher de respirer, d’être. Retrouver l’essentiel, l’essence vitale. Est-ce possible ?


Dans une langue contemporaine, rapide, précise, concise, à la limite d’une certaine "violence imagée", d’une noirceur dépressive, de lignes de fuite et d’horizon qui s’amenuisent, deviennent floues, Aurélie Foglia nous amène à la recherche d’un soi, à nous poser des questions sur ce nous, ce Elle qu’elle ne prénomme pas ou peu, lorsque le couple n’est plus rien et que rester ne sert à rien, malgré l’enfant, malgré la vie, malgré les schémas dans lesquels on se bat, se reproduisent inlassablement.


Pas d’état d’âme ou de ton larmoyant. Une forme de non-émotion, d’usurpation, de vol. La mise à sec d’une réalité, la livraison brute de ce on qui n’est plus, du détachement de la vie quand tout s’éloigne, meurt, se délie. Des phrases sèches et grasses comme des couteaux qui étalent grossièrement la peinture défraîchie. Une poésie comme un appel d'air qui entre par bourrasque, fraie dans la lueur d’un dénouement, d’un silence qui s’use et devient une possible vie, avec ou sans colère, abattement raisonnement. L’effacement avant le réveil d’un être vivant. Dénouement.


« Il n’y a pas d’organe plus caché que le cœur. »

Dénouement d'Aurélie Foglia fait partie de la sélection des 68 premières fois, édition 2019. A retrouver sur le site, toutes les chroniques des éditions passées et de celles en cours ainsi que les diverses opérations menées.




Dénouement

Aurélie Foglia

Editions Corty

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