« J'ai passé une partie de mon temps à lire des livres pour remettre les choses en place, les déplier et les consigner à l'endroit. Je ne connaissais rien au sens de la beauté, mais la beauté me parlait et me suffisait. Je lisais au-dessus du vide, du fond de mon coeur vulnérable et honnête.
De ce livre, elle s’en est faite une main sur son épaule, s’est enveloppée de chaque mot, chaque phrase comme elle se recouvre de la chaleur de celles et ceux qu’elle aime. Elle s’est installée doucement, sans bruit, à une table, au fond du café-restaurant, à observer le va-et-vient, le brouhaha incessant de la gare, qu’importe son nom, elles ont toutes en commun la clameur des départs-arrivées, des coups de sifflets, des moteurs et odeurs des trains, des voix dans les haut-parleurs, des précipitations et des bousculades, des valises qui trainent, des cris, des silences. Elles ont toutes en commun cette idée des départs, des arrivées, des voyages, de ceux qui partent et ceux qui restent.
Elle a ouvert un carnet, annoter dans les pages blanches, l’atmosphère, le pourquoi des émotions lourdes comme une chape de plomb, un bonheur furtif, un sentiment passager. Elle a écrit tout ce qui ne dit pas, s’effleure du bout du cœur, des lèvres, des mains, des yeux, d’un regard, des souvenirs et des envies foudroyantes, volontaires, folles. Un jour bleu mélancolie comme le sont ceux qui s’accrochent à l’âme lorsque les doutes sont pagaille, lacs aux bords des cils, inconstance et fuite, lutte, solitude. Elle s’invisible, ressent comme pour mieux observer, rappeler la vie et les présences, les mots doux, tendres, forts, les petites naissances, les peurs, les absences et les grands pas en avant. Les jours où qu’importe la tempête, on ne plie pas, on ne se noie pas ; on se tient debout et on y croit.
Elle est celle–ci certains jours.
D’autres pas.
« Ce qu'il se passe au fond de soi ne peut pas toujours se dire. Toutes nos failles n'ont pas d'explication. »
« Il faudrait avoir le cran de tout retenir. »
Le train Bleu. Elle y a bu un thé un matin de mars 2020, quelques jours avant le grand bouleversement du monde. Elle était en groupe et pourtant seule, seule avec sa mélancolie, avec ce paquet qu’elle ne sait pas trop quoi et que faire. Elle a observé le balai des voyageurs, de ceux qui peuplent les gares, qui ne prennent pas de place, ceux qui attendent l’amoureux, l’ami, un groupe, quelqu’un, personne, l’absent. Il est si difficile d’attendre, de rappeler combien tout n’est que rencontre, moment de grâce, cœur qui bat. La vie devrait passer par les mots, les sentiments, les émotions, les regards, la sincérité, la confiance, l’espoir, l’âme. Elle est de celle qui habite le monde, indéniablement, émotionnellement, fragilement, fortement. Elle est de celle qui balance entre les jours de profonde errance, d’insouciance et de croyance, entre les jours de salle des pas perdus et les jours d’arrivées et de départs.
Jour bleu.
Il est 13h17 un jeudi 19 septembre et elle attend celui qui, un soir, a recollé quelque chose dans son cœur, entre les souvenirs amers et aimés, les regrets et les espoirs, les désirs et les envies, entre l’élan et la vie.
Il est 13h17 un dimanche 1er aout et comme l’envie de relire et revenir dans l’écriture aux mots bleus, aux mots vivants, fluctuants, aimants, enveloppants d’Auréllia Ringard. Comme une envie de lire l’insouciance, la beauté, le désir, la mélancolie pudique, discrète, vraie, belle. Comme une envie d’aimer la vie, de panser ses peurs et ses tourments, de se consoler de ses doutes et ses sentiments, ses maux…
Comme une envie de revenir au Jour bleu.
Aux mots.
« C’est au travers de ces drôles de sensations, un peu tumultueuses, un peu acidulées, que l’on reste vivant. »
« Le désir est toujours tapi quelque part, prêt à bondir. »
Et comme une promesse qu’elle se fait :
« Je finirai par retourner dans ma région natale, dans une cabane au bord de la mer. Ma vie rêvée depuis longtemps. J’irai marcher au bord de l’eau, le froid me fouettera les pieds et contractera mes muscles. Je ressemblerai à une paysanne insomniaque avec les ongles courts et les mains abîmées par l’écorce des arbres. »
Jour bleu fait parti de la sélection 2022 des 68 premières fois.
J'ai beaucoup aimé également cette attente bleue. ;) Merci pour ta participation aux coups de coeur.