« Nous débouchons sur une immense dune de sable orangé. D’un côté la plaine tropicale et poudreuse parce que la lumière horizontale d’un soleil couchant s’y répand. De l’autre l’océan. Des côtes déchiquetées, zébrées de rouge. Le son du vent. La tiédeur des derniers rayons. Le grain léger du sable aussi fin que du sucre. Personne. Je respire, chancelle. […]. Que je fasse quelque pas d’un côté ou de l’autre, je descends vers un monde vaste, heureux, sémillant. Le vent m’enlace de part et d’autre. Les quelques mots qui naissent sur mes lèvres sont effacés, bus, tus. Pas de mots. Silence. J’écris dans le sable. Mais ce que j’écris, le vent l’efface l’engloutit, se l’approprie comme un instant à bannir du temps composé. Je vois le désert au loin, je vois l’océan au loin, je vois le monde et la terre et les morts et les désirs et l’inconscient et l’avenir. Je me rappelle qui j’ai été, comment je suis devenue ce que je suis, tout ce que je serai. […]. J’ai conscience de tout, j’ai l’esprit total. Je suis au bord d’un abîme de lumière et cette vertigineuse sensation de profondeur, de fugacité, de densité de l’existence suffit à me mettre des larmes dans la gorge. »
Certains récits de voyage nécessitent des silences, des émotions pures, un émerveillement, une mélancolie, une beauté sur les choses subtiles de la vie. Certaines plumes sont graciles, fragiles, douces, meurtries, lumineuses, belles, chaleureuses. Certains mots sont envoûtants, sensibles, magnifiques. Certains livres sont silences, recueils, désirs, souffrances, joyaux, intimes, éveil.
« Chroniques de l’occident nomade » d’Aude SEIGNE : un souffle puissant dans la tourmente des voyages intimes. Un souffle, une respiration, une harmonie et la mélancolie qui accompagne tout voyage, tout expérience humaine traversée par les périples, les chemins empruntés, les lacs et mer, océans traversés. La beauté, la flamme que l’on tient entre ses mains, celle qui réchauffe, délicatesse et exil, transmission et ressentis.
Aude SEIGNE a écrit un récit de ces voyages à travers l'Europe, l’Asie Mineure, l’Océanie ou encore la Russie. Elle en a tiré une prose littéraire, un récit intime et intimiste, romantique (dans le sens noble du terme). On pense comme des marqueurs d'étapes, à Rousseau, Lamartine, Rimbaud, Nicolas Bouvier et tant d’autres voyageurs de l’âme, des voyageurs du monde, du voyage en elle-même, en nous même. La subtilité de son écriture, la délicatesse de ses mots, l’humanité, l'intime, la finesse, le regard tendre et à la fois si réel, encré dans son/nos propre(s) cheminement(s) offrent la dimension aux voyages, à la lecture, étape intime et solitaire. Elle se dévoile, se met à nue, dépouillée de toutes émotions futiles de voyageurs confortables. Elle creuse dans ses veines, ses battements de cœur, dans son corps et nous délivre un souffle, une résonance musicale, une transhumance.
Aude Seigne nous fait entendre ses errances, ses mots, cette mélodie des voyages intérieurs, fragiles et émouvants, cette grâce ressentie, entendue, écoutée qui nous offre à regarder, sentir, aimer, entourer, s’entourer, s’ouvrir, souffrir et s’abandonner à la vie.
« C’est cela le rapport humain pur, c’est cela aller vers l’autre : capter de l’autre tout ce qu’il est, tout ce qu’il exprime, tout ce qu’il dit, sans nécessité de classification ou de compréhension, recevoir, seulement, sans même interagir peut-être. »
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