top of page
Photo du rédacteurSabine

Arnaud Cathrine - J'entends des regards que vous croyez muets



« Je passe mon temps à voler des gens. Dans le métro, dans la rue, au café, sur la plage : une obscure raison (que je traque avec succès, tantôt vainement), mon regard s'arrime à une femme, un homme, un adolescent, une enfant, un groupe, un couple. J'ai toujours un carnet et un stylo sur moi. Je tente de les deviner, aucun ne doit me rester étranger, je veux les garder, je finis par les inventer, ce que je nomme voler. »


Il y a quelque chose de très doux, tendre, discret, élégant, beau à lire, à deviner dans "ces regards que l on croit muets" et qu'Arnaud Cathrine entend. Quelque chose comme l'indicible délicatesse d'une attention donnée à des êtres croisés, souvent invisibles ou perdus, absents, abandonnés à la tiédeur du jour, d'une plage, d'un café. Quelque chose qui rentre dans le jeu des rêves, des fantasmes, du miroir que l'auteur nous tend. Quelque chose comme le quotidien bancal, banal, le fil qui nous tient, des paroles grappillées à la terrasse d un restaurant, un ami dont on reconnait la silhouette ou les défauts et qualités, une station de métro fermée ou une épicerie qui recueille les paroles du quartier, une conversation volée entre une mère et une fille, un écrivain mélancollique mais qui n'a jamais autant écrit dans ses carnets, des mots qui sont d'une parfaite sincérité et vie. Des mots comme des reflets à nos banalités mises en fictions et autoportraits.


Il y a quelque chose qui entre dans nos cœurs par la petite porte, sans faire de bruit, comme des fantômes qui hantent notre mémoire de façon douce et tendre, mélancolique ou attentionnée, de l’ordre de la vie qui s’éveille ou au contraire, se lit comme une mélodie de ce qui se rêve, se désire. Quelque chose de beau, qu'on ne dit pas, des silences qui se posent, s'entendent et se regardent, se voient, deviennent présence, parole, un sourire, une histoire, des personnages croisés, des seconds rôles, des héros d'un quotidien ordinaire ou des loosers magnifiques, des femmes amoureuses ou des garçons perdus qui sous la plume de l’écrivain artiste endosse la cape du personnage principal, de l’invisible devenant visible. Comme une révélation de sa vie, de ce qu’ils sont ou se pensent. Tel un polaroïd d'un regard ou une parole, un instant volé, un fantasme dérobé, un rêve éveillé, une émotion découverte, un fil, une bride.


Et puis il y a l'écrivain, l'artiste, Arnaud Cathrine, l'écriture, la sienne, ce qui se tait et s'écrit dans un carnet, à la faveur de ce qu'il entend, regarde, observe. Une vie muette qui devient, nait, respire. L'écrivain, debout sur un pied, bancal, incertain, le doute au bord du vide, s'étonne de ce qu'il est, de ce qu'il voit ou entend. L'écrivain, l'artiste qui passe son temps à voler les gens, leurs regards, leurs mots, leurs temps. Un vol comme une devinette de ce qu'ils sont, pensent. Une observation de rien qui devient chemin, l'étrangeté d'un portrait, la lente captation de vies croisées. Et dans chaque vie croisée ou imaginée, il y a les mots, cette élégance des choses qu'on ne dit pas, l'intime, des silences qui se posent, s'entendent et se regardent, se voient, deviennent présence, parole, sourire, histoire. Et puis l'auteur, son écriture, ce qui se tait et s'écrit sur un bout de papier, se lit et prend vie. Quelque chose de beau, de doux, de tendre, de cultivé et élégant oui. Des bouts de vie égrenées dans des histoires inventées.


« Je voudrais empailler cette histoire. »
« Ce fut épuisant et long de devenir nous mêmes, mais nous pouvons être fiers d'y avoir consenti. »


J'entends des regards que vous croyez muets.

Arnaud Cathrine

Verticales

19 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comentários


bottom of page