top of page
Photo du rédacteurSabine

Antoine Mouton - Chômage monstre



« Le travail est un caillou. Un caillou est une chose dure. Une chose dure est une chose qu’on n’a pas envie d’avoir dans la bouche trop longtemps. Avoir quelque chose dans la bouche est l’une des étapes de ce processus qu’on nomme nutrition. La nutrition est une méthode pour ne plus avoir faim. Or ceux qui ont faim cherchent du travail. Mais quand ils en trouvent ils ne peuvent pas le manger car le travail est un caillou. Il y a donc un problème. »

« Chômage monstre » d'Antoine Mouton : difficile de parler de ce recueil, de ce petit livre au tracé labyrinthe, de cette errance de l’esprit face au travail, au labeur du corps, du physique, du psychique, de l’esprit, de la dureté et violence du monde professionnel. Cinq textes poétiques, le dédale des maux, des questionnements sans réponse, des envies lorsque le monde devient trop dur, ennuyeux, fermé à nos libertés, incertain.


Qu’est ce que le travail ? Pourquoi travailler ? Que faire ? Quoi devenir ? Comment ? Peut-on se réaliser au travail ? Doit-on se réaliser d’ailleurs ? Qu’attendons-nous ? Quels sont nos rêves, nos envies, nos ambitions ? Que voulons-nous ? Sommes-nous des cailloux qui s’entrechoquent dans les allées, les bureaux, les salles, juste à côté de la machine à café où se repaissent nos egos ? Est-ce la division d’une armée de stratèges, de cols blancs contre cols bleus, de divisions d’honneurs contre fins de classement ?Tant de questions sur lesquelles nous demeurons invariablement sans réponse. Tant de collectifs qui deviennent individualismes.


« Il y a des gens qui n’ont plus de bouche et qui cherchent quand même du travail, mais le travail ne s’intéresse plus à eux, il se cache quand il les voit passer. »

Et maintenant que nous sommes seul, diviser, faut-il courir, s’effondrer sans bruit, apprendre à vivre de silence et d’immobilité ? Faut-il se tenir à des signes de vies, d’envies, de joie lorsque lentement s’éteint ce qui fait la flamme, lorsque lentement s’éloigne ceux qui épient les pas dans l’escalier, lorsqu’il « faut donner à croire que quelque chose de plus urgent [nous] anime » ? Est-ce que l’urgence doit-être vitale ? Est-ce que l’important est nécessaire ? Doit-on se confronter à l’étendu ou laisser croire un pouvoir dans un royaume qui s’effiloche ? Est-ce que le travail contribue à la vie ou la vie contribue au travail ? Est-ce que travailler est vivre ? Que faire alors lorsqu’il n’y a pas de travail ? Qui être ? Quoi être ?



« Il faut prendre des nouvelles mais ne pas les ramener chez soi. Il faut dormir autant que possible et jouir du fauteuil et du radiateur. Il faut les empêcher de forcer la serrure. […] Il ne faut pas tendre la main. La main, c’est la seule chose qu’ils laissent, ils prennent le reste. Mais ils ont besoin de la main. »

Un recueil qui bouscule, interroge, nous confronte à nos envies, nos besoins. Une écriture poétique, philosophique, acérée, voire désespérée sur notre monde et notre regard face à la contrainte professionnelle. Une musique sur nos souffrances et des pieds de nez sur nos envies, des attrapes rêves à accrocher à nos murs, des mobiles à nos désillusions. Une étrange lecture, un objet littéraire non identifié, non identifiable mais une surprise comme il est bon de déballer, déguster, comprendre et ne jamais oublier.

Ne jamais oublier qu’au-delà de nos chômages monstres, de nos désillusions professionnelles, demeure en nous de multiples rêves qu’il faut savoir attraper.


Chômage monstre Antoine Mouton Edition La Contre Allée



17 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page