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Annie Ernaux - Le jeune homme



« Souvent j’ai fait l’amour pour m’obliger à écrire. Je voulais trouver dans la fatigue, dans la déréliction qui suit, des raisons de ne plus rien attendre de la vie. J’espérais que la fin de l’attente la plus violente qui soit, celle de jouir, me fasse éprouver la certitude qu’il n’y avait pas de jouissance supérieure à l’écriture d’un livre »

Il faudrait lire Annie Ernaux comme on lit ses propres mots, se détacher de la narration pour entrer dans le texte, sans prendre le temps du pourquoi ou comment. Entrer comme on entre en vie, on nait, par cette nécessité absolue d’écrire, d’être, de se mettre à nue et devenir.


Annie Ernaux a cette faculté d'écrire les choses de la vie, l'intimité, l'intensité d'un amour de son début à sa fin, de ses sentiments à la lueur d'une clarté sincère, vraie, violente et à la fois précieuse, vitale, essentielle, nécessaire. Il y a toute la véracité des émotions, des sentiments, des chocs et des joies. La vérité absolue d'une vie, d'un amour, des corps, d'une passion, des besoins et envies, des l’un dans l’autre, des mémoires, des traces et cicatrices, des larmes et des espoirs, des désirs.


Il y a l'écriture.

Surtout l’écriture.

Rien que l’écriture.

L’écriture et soi.

L’écriture et la vie.

Une vie à soi.


L’écriture. Celle de l'atelier, noir, celle du couteau, celle, qui en quelques mots, retrace tout ce qui fait une vie. Sans fioriture. Courte. Vraie. Puissante. Intime. L écriture et les mots. Des pages de vie comme des désirs, un désir. Celui de brûler, se brûler, aux mots, à l’amour, au feu, aux regards, aux devenir, à la fragilité, aux précipices mais surtout et encore plus à la vie. La vie. Dans tous ces états, ses émois, ses sentiments, ses sens, ses quêtes, ses espérance, ses joies, ses possessions, ses expériences, ses désordres, ses espoirs. L’écriture au plus près, au rugueux, à l’âpreté, à la vérité nue, à l’intime dévoilé, à la jouissance désirée, obtenue, sans excès ni complaisance.


La chair et les mots.


On ne raconte pas un livre d’Annie Ernaux.

On lit.

Pour ce qui est,

donne,

offre.


On lit pour les mots, la décortication des sentiments, les vérités, les siennes, sans âge ni tabou, sans violation, feinte ou artifice. Nues. Nommer les fragilités, les béances, les ravins traversés, les chutes et inconstances. Parler de la douleur, de l’inconfort qu’il en est sans chercher à minimiser ou à se plaindre, enjoliver ou minauder. On la lit pour le récit de vie, le courage qu’il y a de traverser, être, exister et devenir, de croire encore, toujours au pouvoir d’écrire, de l’écriture, de sa mise à nue, sa mise à soi, sa mise aux autres.


Ecrire comme pour désamorcer un cœur qui bat trop fort, éclate dans les fragments d’une nuit. Dans cette vie, cette écriture qui nait, vit, meurt, est. Comme un exergue à ce qu’est la vie, à ce qu’est écrire. L’engagement d’une vie, de mots, d’écrire c’est quoi.


« Si je ne les écris, les choses ne sont pas allées à terme. Elles ont seulement été vécues. »


Le jeune homme

Annie Ernaux

Gallimard

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