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Anita Pittoni - Journal 1944 - 1945



« C’est comme si je flottais sur une barque la nuit, sous un ciel étoilé, avec au fond de moi-même une mélancolie si profonde qu’elle n’est même plus de la mélancolie, cette mélancolie qui vous fait comprendre ce qu’est véritablement le bonheur, c’est plutôt une félicité intérieure entièrement tissée de mélancolie. »

Elle est une fusée, la volonté farouche d'une liberté dans un monde entre bombardements et occupations, entre vie et mort, entre paix et révolutions. Une volonté farouche d'écrire, d’en découdre avec les phrases, d’entendre bruisser la fulgurance des mots, de livrer ses textes quand d’autres livrent des batailles. Construire de ses errances, de la solitude des nuits de bombardements, du bruit des armes, des canons, des soldats qui fuient dans les rues, la création vaine d'être au bord des gouffres et la sublime portée des sentiments, de l'art.


Trieste. Les cris des armées folles de rages, de sangs, de victoires et de morts. L’horizon qui semble fuir, noir, gris, souffrance. Fuir la quête de vie, le noir des sous-sols, des caves où se réfugier. Et fuir pour ne pas enterrer la liberté, la beauté de la vie, le feu de l’espoir, de la création, de ce toujours et encore, aimer. Livrer ses propres combats. Faire de sa vie, celle qui remplit son âme, sa quête, son corps. Ecrire, trouver les mots qui disent tout, les détails de la vie comme l’intime quête de soi. Ecrire la voie, sa voie, sa liberté, celle qui mène à l’art, à la vérité de la beauté, la folie créatrice, « Une immense pelote de fil très résistant ». Ecrire et plonger dans ses entrailles, ses vides, la vacuité de la vie, comme on descend dans les caves, les bas-fonds, pour mieux se réfugier, ressurgir, retrouve la fièvre de l’envie, du besoin. Ecrire pour ouvrir « une fenêtre sur une immensité sans fin »


« Il n’y a que ce balancement las des êtres dans l’air de la vie, une palpitation faite d’angoisses et de rêves. Ce ne sont pas les êtres qui se rencontrent, ce sont les lassitudes, les angoisses qui se rencontrent portée par la même onde. Et cette onde se trouve hors de nous, elle est la sagesse qui se trouve hors de nous, hors de notre sagesse. »

Écrire l'intime, la mélancolie, les peurs, la joie, le désir, le pourquoi il faut écrire. Ecrire le soi, la folie et torture artistique, les étoffes douces et râpeuses, le tissu des mots, la couture des phrases, la croyance folle en l'énergie, la volonté, l'amour avec ses fulgurances et ses vides. Ses peurs. Les relations et les angoisses liées.


Journal de l’inquiétude, des angoisses et de l’art poétique, de l’art d’être soi, des rêves perpétuels à entretenir, croire, attiser, tisser. Lâcher les brides, l’obscurité qui noircit la lumière. Créer avec sa solitude, avec son soi, les autres, dans les inspirations et aspirations, l’intransigeance et la complexité du monde, d’un monde, de soi. Se balancer sur le fil, tentant le balancier avec les bras, tentant un pied après l’autre d’avancer dans l’exaltation et l’abattement de la vie, palpitation du cœur, folie de l’âme. Ecrire. Créer. S’ouvrir au monde, à la joie, à l’acuité de son regard, de son âme. Le feu et les cendres, les flammes et les étouffements. La destruction et la vie. Le goût intact du désir et la volonté farouche d’être ce soi. Intime. Téméraire. La texture même des mots d‘Anita Pittoni.


« J’ai l’impression que ce ne sont pas ces fait majeurs qui nous inspirent, mais c’est nous en réalité qui souhaitons être inspirés par eux. »

« ce sont ce brefs moments de lumière qui devraient être notre routine. Car celle-ci n’est elle-même qu’un éclair dans notre vie. »

Cantique des cantiques



Journal 1944 – 1945

Anita Pittoni

Editions La Baconnière

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