L’immense désert blanc, terre brûlée emprisonnée par la glace, d’icebergs tombants dans un océan recouvert de plaques dérivantes au gré des marées et des blizzards. L’immensité du paradis blanc, là où l’on oublie la vie telle qu’elle est, là où on entend le vent. Une immensité vierge de toute trace, là où finit le monde, notre monde. Un continent silencieux, lent, solitaire, perdu, quasi hostile. La fin d’un monde. Le début d'un autre, d'un cercle ou d'une île, d'un territoire d'inconnu.
Naufragé dans cette immensité, bataillant contre le froid, les tornades de neige et de glaces, bataillant contre la mort qui pourrait surgir à tout moment, il avance, tirant de toute sa force de pêcheur aux biceps tatoués, une barque renversée, seul possibilité d’échapper à ce désert aride, seul refuge encore disponible.
Naufragé.
Quand sous ses yeux, au milieu de rien, du néant, un toit, une fumée, une porte à ouvrir comme on ouvre un lieu, une isba, une cabane, une hutte où la chaleur, l’humain apparaît. Un homme à la peau d’ours, un homme sans mot, muet, comme si la parole avait disparu, n’était pas nécessaire. Un homme ? Un bar au milieu du néant. Un bar comme l’absurdité du territoire. Et n'est-ce pas plutôt un chaman, un sorcier comme il en existe dans ces contrées perdues, inconnues ?
Un bar, deux êtres perdus et le mécanisme, les rouages du monde qui tournent sous leurs pieds. Un engrenage qu’on aimerait arrêter juste le temps de comprendre ce silence, ce temps lent et contemplatif, le monde, la beauté des paysages, la folie des hommes. Des cylindres digne d’un temps moderne, machine du temps, mécanisme où seul l’homme peut décider de son arrêt ou de son espace, de la course d'un présent, avenir, passé. La lente agonie d'un monde qui trépasse, surgit, se décime.
Ne cherchez pas à comprendre l’histoire, sa lecture vous en paraîtra que plus obscure, plus complexe. Là où finit le monde se raconte comme une fable écologique, un brin philosophique même, une morale à l’absurdité de l’homme, sa condition, son incapacité à avancer sans modifier la terre, lui laisser sa place. L’homme tel qu’il est, rempli d’une force prête à détruire ce qui existe, le monde, sa faune et sa flore, ce qui fait que la terre tourne sur un axe et n’existe que parce que cet axe est.
Est-ce une allégorie, une poésie, une fable des temps modernes ? Un jeu où l'homme est, perdu dans l'immensité ?
Une fable écologique, absurde, indéfinissable et qui pourtant nous donne à nous définir, nous interroge, nous rend perplexe face à notre folie humaine, notre avidité, notre perte, à notre croyance en la puissance de la terre par elle-même. L’homme comme le démon, le dieu diable, le dieu qui détruit le monde, apocalypse de ce qui est beau, lent, calme, solitaire. L'homme, celui qui donnera le coup de grâce, la destruction d'un monde dernier vicking mohican d'une ère glacière.
Un récit muet oscillant entre l’humour noir, l’absurdité et la réflexion, l’initiation au monde. Un roman aux traits cubiques, graphiques, fins et à la fois époustouflants, marqueurs.
Un récit explosif, titanesque, Robinson Crusoé simple pêcheur Chaplin raisonné, Emile Victor ou encore Jean Malaurie, lanceur d'alerte sur un Grand Nord qui disparaît.
les bulles de la semaine sont à retrouver chez Noukette.
J'ai peur que ce soit trop étrange pour moi... j'aime bien comprendre habituellement. Pourtant, ton enthousiasme donne envie.
Trop expérimental pour moi je pense.
Je ne sais pas si je voudrais le lire/voir. Tes mots résonnent déjà beaucoup
Le graphisme ne me tente pas du tout...
Alors moi, je suis tout aussi conquise par ce que tu en dis ET le graphisme. Cela a l'air superbe !