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Photo du rédacteurSabine

Alice Zeniter - Jusque dans nos bras


« Je suis de la génération qui s’appauvrit, je suis de la génération qui paie les retraites, je suis de la génération qui apprend à avoir peur des vieux, je suis de la génération qui perd ses fonctionnaires, je suis de la génération à qui on a brandi le modèle scandinave, je suis de la génération qui a honte de faire des fautes en anglais puisque ce n’est plus une langue étrangère pour personne, je suis de la génération qui passe à droite par désespoir devant le paysage de gauche, je suis de la génération devant qui on démantèle l’Etat providentiel, je suis de la génération travailler plus pour gagner plus, je suis de la génération mal conseiller par les conseillers d’orientation, je suis de la génération des hedge funds et de Jérôme Kerviel, je suis de la putain de génération où l’on peut perdre 5 milliards en passant une porte et faire semblant qu’on n’a rien vu… »

J’aurai pu commencer à vous parler de ce livre par ces mots, ces trois premières pages offertes comme un coup de massue, une vérité clamée, un boomerang. J’aurai pu commencer par vous parler de ce livre en énumérant les faits d’une génération désabusée, sacrifiée, dansant sur les dance-floor aux sons d’une musique électro dématérialisée, victime du Sida, du pétrole qui se raréfie et qu’on continue à cramer, des voyages de plus en plus loin malgré les idées d’une autre énergie et d’une taxe sur les carburants. J’aurai pu vous parler des amusements, de l’alcool et de la profusion des biens de consommation mais qui ne peut accueillir toute la misère du monde.

Parce que ...

Je suis de la génération de touche pas à mon pote. Je suis de la génération black blanc beur…

J’aurai pu… « Jusque dans nos bras ».

Alice Zeniter a écrit un récit-roman qui vient nous titiller dans nos corps, idées, pensées, nous trifouiller dans nos sombres recoins, nous percer l’âme, nous coller un uppercut dans le ventre, démontrer que malgré nos grandes idées progressistes et humanistes, nos cœurs d’un « tous ensemble » et cela quel que soit les races et couleurs, nous ne serons jamais que des hommes et des femmes qui se méfient de son prochain, qui croient en un humanisme planétaire mais qui se voient incapable de faire un geste envers son voisin.

Un livre comme un manifeste. Un appel à notre conscience, à cette prise que l’on croit posséder et qui n’en est rien. Nos idées, notre monde, nos politiques, nos pensées. Une claque, une érudition, une intelligence, un crochet, une vitalité qui nous insuffle à la fois un espoir, une croyance et ce tiraillement, cette forme de désespoir à la vision du monde, ce monde pour lequel on n’ose croire à une idée humaniste enfin révélée, comme ces mariages blancs qu’on arrange pour faire croire à notre belle conscience et nos révoltes bourgeoises qu’il est possible de contrer les politiques et autres volontés racistes. Nos guérillas.

A l’heure où les consciences sont remises en question, où les bonnes âmes se cachent derrière des textes de lois et autres décrets, les cœurs se ferment devant les bateaux qui traversent la Méditerranée avec à son bord des hommes, des femmes et des enfants qu’on baladent de ports en ports, de pays d’accueil en terres promises, de centres d’hébergements en bidonvilles aménagés. A l’heure où tant de confort nous est donné et la volonté d’une consommation revue à la baisse, d’une prise de conscience de la pénurie et de ce monde qui tourne trop vite, des richesses primaires et terrestres surexploitées. A l’heure où les lobbys exercent leurs toutes puissances sur les hommes et les politiques, sur le monde et les flux migratoires. A l'heure où les bulletins de votes et la conscience deviennent vides.

A l’heure où je me dis que je ne serai jamais à la hauteur de ce qu’a fait, a écrit Alice Zeniter et qu’il y a une vraie urgence à lire, relire, ce roman, ne serait-ce que pour ces trois premières pages qui nous assènent. Un brulot, une claque, un réveil, une nécessité, la grande histoire du racisme ordinaire, quotidien, universel. Et l’écriture d’Alice Zeniter comme une vérité essentielle.


« Jusque dans nos bras ».


« Il y a les gens qui se foutent de la politique et ceux qui ne partagent pas votre vision des choses, il y a les gens qui placent tant d’espoirs en la robe blanche, ceux qui peut-être aiment sincèrement un étranger et qui voient la suspicion peser sur eux à cause des faux couples comme Mad et moi, ceux qui ont peur de savoir qu’ils prennent part à quelque chose d’illégal, les amoureux de la vérité…»


Jusque dans nos bras Alice Zeniter Le livre de poche

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