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  • Photo du rédacteurSabine

Alexandre Lenot - Ecorces Vives


« Un vieux monde qui leur a été légué mais que leurs doigts gourds et tordus n’arrivent plus à retenir. Un monde qui semble ne plus faire partie de rien, un pays entier relégué en périphérie »

Comment parler d’un roman qui n’est qu’atmosphère, brume et terre collantes aux chaussures, montagnes et forêts semblant sortir d’un no man’s land beau et glacial. Un territoire qui ne se donne pas, n’accorde sa confiance qu’aux volcans et titans. Un pays oublié de la vie, des hommes. Un pays de l’ombre, l’ombre des montagnes, des sources qui coulent et irriguent, des parcelles isolées et désertiques, de la mousse et l’humus qui abondent les forêts, de la glaise et la roche volcanique.

Une terre omise pour certains, promise pour d’autres. Ces autres, ceux qui n’ont plus rien, ne sont plus rien. Oubliés eux aussi. Délaissés. Déracinés. Exilés. Les pieds enchainés à un monde sur le déclin, renfermé pour mieux survivre. Un monde où la colère de la terre ressurgit sur les hommes, au caractère tenace, au silence assourdissant, au courage qu’il faut pour résister aux conditions extrêmes, à l’invisibilité et l’oubli de tous.


Un pays et des hommes. Des hommes à l’écorce vive.


Et puis l’incendie, celui qui déclenche tout, la haine et la colère, l’arrivée de la police, d’un commissaire qui cherche à comprendre. Comprendre quoi ? Comprendre qui ? Comprendre comment ? Et qui est cet homme qui semble venu de nul part, étranger au territoire ? Et quels rôles jouent ces femmes, au tempérament doux, calme, unies par un même destin, solitaires, vibrantes encore, vibrantes toujours ? Vivantes dans la noirceur d’une terre qui ne donne plus rien. L’inévitable, l’écorchement, la lente construction des hameaux et villages, de ces habitants qui ne se mélangent pas, ne se côtoient pas.


« Ce n’est que maintenant, dans les débris de sa vie, en comptant ses plaies et en remontant le fil de ses cicatrices, qu’il sait enfin tendre l’oreille vers le silence caché dans l’illusion du monde. »


Comment parler de ce qui se ressent, vibre, est silence, solitude, terre à conquérir âprement, lentement, à la force du temps et du courage, de ce qui se joue derrière les portes, dans les têtes, à coups d’espoirs vains, d'isolements, de froids et réalismes ?

Ecorces vives d’Alexandre Lenot ne se donne pas facilement. Il se gagne à la lueur des lampes accrochées aux dessus des gouffres et chemins pour offrir à ceux qui se sont perdus, une possible liberté, un espace où se retrouver. Il s’offre à la lenteur qu’il faut pour s’imprégner et descendre au-delà des territoires connus. Il est un roman noir, noir comme peut l’être l’Auvergne, ce territoire du vide, du rien, du néant.


A coup de suggestions, d’effleurements, Alexandre Lenot nous dresse un roman rural noir  d’un pays poétique à souhait, où chaque mot se découvre lentement comme pour s’imprégner de cette atmosphère au ciel bas et chargé, de ces arbres qui cachent la lumière du jour, de ces hommes et surtout ces femmes qui font de leurs silences, leurs victoires et unions.


La langue est âpre, rocailleuse, dure, rude, coupante comme la roche volcanique de ce pays, économe, loin des effets outranciers, déroutante. On s’enfonce dans les terres, loin des clichés d’un paysage qui ne donne rien, ne se découvre pas devant l’inconnu et s'offre au silence . On peut se perdre facilement, s’égarer dans ce roman où rien ne semble se passer, sauf la noirceur et l’étouffement, sauf cette nature qui se perd dans la brume et les volcans, la boue.


Et cependant, ou peut-être à cause de cela, de cette atmosphère, de ces femmes, on entend le bruit de la terre qui gronde, explose, incendie, donne vie.



« Peut-être qu'il nous faut de nouveaux rites pour en finir avec nos peurs, de nouvelles forêts pour nous abriter du regard du ciel, de nouveaux faisceaux pour éclairer nos nuits, de nouvelles phalanges pour nous garder de nos ennemis. De nouvelles pluies pour nous faire reverdir enfin »

Ecorces vives d'Alexandre Lenot fait partie de la sélection des 68 premières fois, éditions 2019. A retrouver sur le site, toutes les chroniques des éditions passées, en cours ainsi que les diverses opérations menées.



Ecorces Vives

Alexandre Lenot

Ecorces vives




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