« Quand les tempêtes ont commencé, mon père m’a dit : « faut pas s’inquiéter, la pluie va revenir. La poussière disparaitra et la récolte sera bonne parce que Dieu aura entendu nos prières. « C’était il y a 7 ans. Rien n’a changé. »
Washington 1937. John Clark, jeune journaliste-photo reporter écume les rues à la recherche de la photo représentant la détresse des ghettos noirs, des vagabonds, des désespérés de la crise américaine. Il court les rues, appareil et planches à photos dans la main, pour obtenir un espace dans un journal, un coin de rubrique qui lui donneraient de quoi payer son loyer et se nourrir.
Intéressée par ses images, la FSA ( Farm Sécurity Administration), organisme gouvernemental chargé d’aider les femmes et les familles victimes de la Grande Dépression, l’embauche avec pour mission de photographier et raconter la pauvreté rurale du Middle West, ce bout de territoire de l’Oklahoma, l’ancien grenier à terres fertiles d’une Amérique Far West. Racontr l'histoire des oubliés pliant leur corps, se camouflant visage et maison de bouts de chiffons ou de pages de journaux pour contrer la sécheresse et les tempêtes de sable, le Dust Bowl qui jamais ne s’arrête, jamais ne laisse l’ultime chance de pouvoir respirer.
Mais comment se faire accepter par une population qui suffoque, déserte les terres, pleure ses morts ? Comment photographier la misère quand, devant les yeux, gémissent ceux qui meurent, qui n’ont plus rien à perdre, sévissent la crise économique et agricole, quand les tempêtes de sable soulèvent, enlèvent, détruisent la vie, offrent la mort.
Le Dust Bowl n’est pas qu’une légende, une histoire que l’on raconte pour se rappeler les heures sombres de la grande crise économique des années 30. Il est une réalité historique face aux profits sans cesse renouvelés des grandes firmes agricoles et alimentaires, aux besoins de possessions et aux techniques modernes agricoles.
On pense à Dorothea Lang, à Russel Lee, à Walter Evans, aux « migrands-mothers », ses mères migrantes courages se réfugiant sous des toiles poussiéreuses, aux pieds des maisons en bois ployant sous le poids du sable, se noyant dans la misère, fuyant le désespoir, les épreuves, les bras protégeant leurs enfants aux regards fatigués, ravagés.
Aimée de Jongh est une grande conteuse graphique. Elle entre dans la Grande Histoire tout en douceur, en intelligence et nous offre au détour de ses crayons, de ses traits sous la forme la plus somptueuse, humaine, l’histoire d’un homme, l’histoire de femmes, d'hommes désespérés, de la misère mais aussi de cette page d’Histoire qui a marqué le monde par ses photos, les images retrouvées, parlant d’elle-même, montrant le désespoir, la détresse. Elle nous conte les raisins de la colère, Steinbeck ou encore Mikael dans un univers plus proche.
Les traits sont d’une beauté à couper le souffle, le dessin au plus proche de l’humain, des questionnements et du regard. On ressent la détresse qui se répand devant nos yeux, cherchant à contrer l’égoïsme humain, à mettre en lumière la vérité nue, le drame. La mise en page joue avec le rendu fantomatique des tempêtes, son cadre hors norme, désertique, aride. C’est à la fois dantesque et d’une très grande poésie, humanité, profond, vrai.
Aimée de Jongh avait débuté avec Le retour de la bondrée. Elle s’affirme comme une grande avec jours de sable. On en ressort avec ce creux au ventre et cette envie de ne pas se voiler les yeux face aux firmes et grands groupes toujours aussi ogres, envieux, possesseurs de biens et de consommations, de terres au détriment d’un monde, d’un climat, d’une mère Nature.
Jours de sable
Aimée de Jongh
Dargaud
Photos : Dorothea Lange - Jeu de Paume - Paris 2018
Elle est magnifique ! J'aime beaucoup le trait d'Aimée de Jongh.
Je la veux!
J'avais adoré le seul roman graphique d'Aimée de Jongh (découverte grâce à Noukette et à Jérome)
Celle-ci sera achetée et lue!
le thème m'attire beaucoup et ça a l'air très bien fait!
Je connais ces photos... Mais impossible de me souvenir où je les ai vues, si ce n'est que c'est récemment. Cet album a l'air incroyable, il me le faut.