« je trie les sous-vêtements troués chacun comme une tranche de vie effilochée tes slips de garçon mes culottes de jeune fille celles d’avant pendant après les maternités strates de la vie intime lisibles sur la trame des dessous »
Ne vous est-il jamais arrivé de vouloir ranger vos armoires, d'étendre votre linge, de nettoyer vos fonds de tiroirs et de sentir cette odeur de vie qui prend soudain tout son sens sous votre nez, yeux ? Ne vous est-il jamais venu l’idée que ce linge qui s’entasse dans votre corbeille, en tas n’attend qu’une chose : redonner les couleurs d’une douce journée remplie de souvenirs ?
C’est ce que nous donne à lire ce petit recueil de mots délicats, tendres, beaux et simples mis en scène par Amandine Marembert et Valérie Linder. En 20 pages, elles nous content la somptueuse beauté des gestes du linge.
On se découvre à entendre les chants et paroles de nos grands-mères, se remémore les lavandières et le doux parfum du savon de Marseille. On se rappelle la première fois que le bruit d’une machine à laver à fait irruption dans notre vie, la tête collée contre le hublot pour ne pas perdre un instant du spectacle de la mousse qui se mariait à la couleur du linge répandu dans un bac couleur alu. Et se rappeler que « ces jours-ci je me sens lessivée essorée comme d‘avoir tourné longtemps en rond dans la machine sans pouvoir en sortir ».
Laver, essorer, colorer, étendre, lire dans les trames des fils des dessous de nos peaux, passer notre vie à la machine. Détacher, essayer de redonner couleur, blancheur, virginité à nos tricots, vêtements, sous vêtements, ces habits de soirée, ces robes de premier rendez-vous, ces chemises de premier-baisers. Laver délicatement à la main les tissus fragiles qui caressent notre épiderme. Superposer les gestes aux gestes passés et suspendre les draps au soleil, à l'abri du vent, des regards. Repasser, ranger. Sentir la douceur du vêtement sur soi. Les gestes du linge, celui des mères.
Un recueil comme une dentelle du Nord, odorant comme un vent chaud, un mistral qui vient souffler juste comme il faut pour réchauffer. Une lessive comme une tournée de vie et ces gestes que l’on y met, dépose, embrasse à pleines mains, visage. Un magnifique petit ouvrage qui nous fait découvrir la délicatesse de ce linge qui s’entasse dans nos armoires.
Des gestes du temps que l’on réapprend à voir, écouter, entendre. Poétique, joliment illustré d’un bleu délavé par Valérie Linder et rempli de la noblesse des mots délicats d’Amandine Marembert. .
« à suspendre des épingles neuves sur le fil je me dis que je les ai toujours vues comme des alignements d’oiseaux gardiens de ce qui recouvre nos peaux les pinces sont lèvres qui mordent la peau du linge le ressort de leur langue laissant cicatrice du jour sur le ciel »
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