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Photo du rédacteurSabine

C Mortenson, J Rice - Dans la forêt rousse



« On raconte beaucoup d’histoire sur les forêts et sur la mémoire des arbres. On dit qu’ils n’oublient rien, qu’ils n’oublient jamais ce qui leur est arrivé, et que leurs histoires sont là pour toujours. Mais ici dans la forêt rouge, les arbres ont perdu la mémoire. »

On raconte que dans le fin fond de l'Ukraine, un coin déserté, perdu pour l’âme humaine, les arbres ne poussent plus, qu’ils sont morts, contaminés par la folie des hommes, la folie rouge, ce champignon qui un jour a surgi, des cuves, de la centrale surplombant leur cime. Ils pourrissent emportant avec eux la multitude d’insectes pollinisateurs, la flore et la faune, les végétaux et microbes naturels.

On raconte que cet espace a pris la couleur de l’atome répandu, qu’il est devenu roux, que les feuilles irradiées empêchent la croissance des petits arbres. Alors ils dorment. Ils dorment et ils rêvent. Tous sauf Sosna. Sosna et Nesty, un ours aux pattes de velours, qui lui aussi ne dort pas. Ne dort plus.


Nesty est nouveau dans cette forêt. Il marche doucement, à tâtons « pour ne pas réveiller les arbres endormis ». Les arbres comme Sosna ne se souviennent plus des ours, ces ursidés qui aiment tant gratter leur corps à leur écorce, de leur histoire. Ils ne se rappellent plus qu’ils étaient très grands. Grand comme des ours eux aussi. Grands comme une maison. Une maison qui, avant que l’homme l’incendie, protégeait.

Qu’est devenue la forêt qui entourait la centrale de Tchernobyl ? Que sont devenus tous ces arbres, ces pins et sapins, grenier d’un monde vert, dont les feuilles se sont exclus des branches, dont le sol s’est endormi, empêchant la sève de donner la croissance nécessaire ? Quelles folies poussent les hommes de toujours vouloir continuer à être des monstres, des tyrans, à assoiffer le territoire pour imposer un ordre, une possession ? Que sont ces tours, ces cheminées, panthéon atomique, qui continuent à s’entrevoir, au dessus des cimes, proférant une menace encore et toujours ?


« Les secrets, leur mémoire, leurs conseils sont à jamais perdus C’est pourquoi il est difficile de grandir dans la forêt rouge. »


Les animaux ont repris possession de la forêt désertée, redonnant un élan, une mémoire à ce territoire. Malgré le danger inconnu, la menace, les arbres ensevelis et contaminés, le sol est vivant, même si les racines demeurent muettes. La vie refait son histoire, combat avec ses armes, ce destin implosé. Elle combat le monstre, les montres, la main de l’homme qui a enterré la menace dans le sol comme pour mieux l’oublier. Mais comment rebâtir son histoire ? Comment oublier Tchernobyl et la destruction d'un monde par la folie du monstre humain ?


On dit que par la faute des hommes, l’espérance de vie s‘est réduite dans la forêt rousse, que les contes que l’on raconte, le soir, aux enfants ne sont pas que des contes. On dit que l’homme est fou. Fou, égoïste, imbu, despote.


« Si tu grandis et si tu t’étends, tes racines atteindront les arbres anciens enterrés ici. Endors-toi, maintenant petit arbre… »


On dit aussi qu’un jour, une princesse Mononoké règnera et que les forêts, la flore, la faune retrouveront leurs racines, leurs mémoires. La mémoire d’une planète. La Terre. On dit que la mythologie, les contes, les histoires aident à trouver des héros, à construire des pouvoirs qui contredisent la folie, le despotisme.


On dit aussi que c’est dans la forêt que le phénix renait de ce cendres, qu'il est un animal fabuleux aux plumes rouge-feu éclatantes.



« Ma mère dit qu’il n’y a rien de plus effrayant que les humains. »

Une lecture commune avec Alexandra  (comme une évidence)



Dans la forêt rouge

Chelsea Montenson et Jen Rice

La ville brûle




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