1 - Lettre à
Je voulais écrire une lettre dans laquelle il serait question d'aimer. C'est facile, dit comme cela.
Il serait question de raconter. Il serait question de choisir.
Il serait question de libération. De respiration. De prise de parole. Sans filtre et sans chimères. Il serait de beauté. De révolte.
Les chaînes cassées. Une bonne fois pour toutes.
Dire.
Dire ce qu'il s'est passé et ce qu'il se passe.
Et donner envie.
Donner envie aux autres de sauter le pas, sauter tout court, plonger la tête la première.
Parce qu'on ne veut plus se contenter. On ne veut plus reculer. Stagner c'est encore pire. Attendre, je n'en parle même pas.
De là où j'écris, je ne veux plus, voilà. Je ne veux plus me cacher, me camoufler c'est me perdre.
Je voulais écrire une longue lettre qui exprime des vœux qui claquent.
J'ambitionne de voir grand. Pour le temps qu'il nous reste.
Grand, cela veut dire vrai. Sans remords ni regrets. Sans excuse banale. Sans report au lendemain dans un agenda boiteux.
Grand, cela veut dire : vivant.
Aurélia
(Photo Edouard Boubat)
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Et puis j'ai écris aussi,
2 - Lettre à un enfant qui viendra.
Il va falloir qu’on te trouve un prénom. C’est la prochaine étape. Pour le moment, je n’en ai aucune idée. Désolée. Je soupire. Si je continue comme ça, je vais devoir m’excuser plus d’une fois auprès de toi. Je pourrais débuter tout de suite tu me diras. Histoire de t’annoncer la couleur, prendre de l’avance. Et le jour où tu me liras, tu trouveras cela complètement absurde ? Je tâtonne. Il faudra comprendre que c’est une protection. La seule encore possible. Une protection qui ressemble à une lettre ou à un long poème.
Pardon pour les piles de livres dans ta chambre d’enfant. Pardon pour les mots qui me manqueront pour exprimer mes sentiments, je ne sais pas comment les dire. Pourtant si tu savais à quel point j’ai soif de paroles vraies. Pardon pour mes contradictions. Pardon pour mes insomnies. Ce n’est pas de ma faute, c’est la lune. Pardon pour mes humeurs et mes saisons. Il y aura des jours d’une légèreté folle et des jours de grandes avalanches. Pardon pour les douches froides. Pardon si je t’abandonne le dimanche matin pour courir seule et vite. Pardon pour ces phrases que je répéterai souvent. Que pour sauver le monde, il faut d’abord se sauver du monde. Le laisser tranquille de temps en temps. Pardon pour toutes ces choses que je refuse, parce qu’elles me semblent sans importance, néfastes ou toxiques, parce que je m’en fous des nouvelles technologies, des téléphones, des séries télé, des réseaux sociaux qui ont tué le lien social gratuit, patient et honnête. L’essentiel est ailleurs. Sur les routes, les sommets, au cinéma, à la terrasse des cafés. Pardon si je te trimballe partout où je vais. Je n’ai pas renoncé à prendre l’avion. Je suis du genre tendre et butée. Je t’emmènerai loin. Loin des soucis, des nouvelles catastrophiques. Loin des mensonges et des portes closes. Loin des complots. Et pardon si tu me ressembles. Pardon pour ce qui se transmet d’une génération à l’autre. Je fais le vœu que la génétique prenne le chemin de la libération. Pardon pour la fatigue. Les cernes sous les yeux, l’espoir en bandoulière. Pardon pour mes danses brouillonnes au milieu du salon. Pardon pour mes questions. Pardon pour ma sauvagerie. Pardon pour mes absences. Elles sont plus fortes que moi. Tu demanderas à ton père où je suis partie. Il saura. Il a dans la tête, une imagination débordante pour faire de notre famille un terrain de jeu où les fleurs pourront pousser mille fois. Il a raison. La vie appartient à ceux qui l’aiment plus qu’à ceux qui l’écrivent.
Aurélia
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Aurélia ringard a écrit un premier roman "Jour bleu", un roman bleu, un roman où se nichent les jours bleus.
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