LETTRE À… Rimbaud
J’ai besoin de colère et de violence, de rage, d’échec, de visions. J’ai besoin d’adolescence dans mon cœur, de cette adolescence éternelle, brutale comme un bain glacé : je veux rester éveillée quand la tiédeur me guette, sang fouetté, peau bleuie. J’ai besoin d’orages et de mer allée avec le soleil, besoin de feu et de voyelles. Rimbaud, ouvre-toi ! Je chante au milieu du Sabbat. Ma caverne, mon sésame à moi.
« On ne part pas. » Quatre mots simples, dépouillés, jetés dans la marmite d’une saison en enfer. Quatre mots autour desquels je tourne désespérément depuis tant d’années. Une clef, c’est certain ; mais où est la porte ? « On ne part pas », écrit celui qui fuit Charleville-Mézières, qui fuit Paris, qui fuit les hommes. Le désert et les armes ne seront pas moins décevants.
On ne part pas du moment que la vie, obscène, nous fait suite. On ne part pas tant que la conscience nous plaque face au miroir : tu es là ; tu partirais au bout du monde que tu serais toujours là ; débrouille-toi avec ça ; ta prison, c’est toi ; ta liberté, c’est toi ; choisis.
Rimbaud, voleur de feu et de mémoire, sublime emmerdeur, poète potache, dérisoire, infini. Je t’adore et je te déteste, je te lis, je te dévore, je te digère, je te crache, je te vomis, je t’adore. Mon Rimbaud, ma révolte. Tu me hantes comme un double, réponds à mes envies de tout bazarder : d’un geste de la main renverser le monde, tourner les talons et sauter à bord du bateau ivre pour retrouver – quoi ? – l’Éternité.
Caroline Laurent
Elles sont rares les personnes qui dès le premier regard croisé parviennent à vous cerner, derrière des larmes d’émotions ou des mots prononcés fébrilement. Caroline Laurent fait partie de ces personnes rares. Demandez autour de vous, on vous répondra charismatique, solaire, lumineuse, pétillante pour la décrire. Il ne faut pas oublier ce que l’on ne voit pas ; la profondeur et le rapport sensible au monde, les colères qui animent les êtres. Par ce texte, encore, si besoin était, Caroline Laurent démontre l’étendue de son talent dans l’écriture et dans la perception du monde et de ses affres. Il est rare de croiser de si belles personnes, il faut savoir le reconnaître et les chérir.
Charlotte Milandri
Caroline Laurent a écrit un premier roman « Et soudain la liberté », qui fut un des romans les plus marquants des 68 premières fois. Editrice chez Les Editions Stock, elle dirige la collection « Arpège ».
Charlotte Milandri est l’initiatrice et la conceptrice du projet des 68 premières fois. Véritable insatiable et d’une générosité légendaire, elle a à cœur aussi d’animer les relations et les rencontres les « 68 premières fois en milieu carcéral ».
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