Depuis plusieurs semaines, je cherche à qui adresser cette lettre, rituelle de l’été du Carré jaune. Adolescente, j’en écrivais tout le temps. Parfois je les envoyais, parfois elles restaient glissées entre deux pages de mon journal intime, parfois je les déchirais. Aujourd’hui, j’écris plus souvent des SMS ou des mails que des lettres et cette page blanche, si belle, m’effraie. Elle me semble avoir des dizaines de destinataires possibles, pourtant aucun ne se dessine.
À elle, j’aimerais écrire tout ce que nous n’avons pas vécu ensemble depuis dix ans, le manque qui reste saisissant par instants, la force qui demeure.
À lui, écrire cet amour qui a longtemps tout envahi et ce qu’il en reste aujourd’hui.
À elles encore, ma fierté, ma confiance et mon amour absolus.
À lui aussi, ma peur d’échouer.
À eux, ma crainte de les voir vieillir.
À elle, ma reconnaissance et ma tendresse.
À lui, ma douceur.
À elle, ma joie et mon excitation en pensant à ce qui nous attend.
À lui, ses films qui m’aident à vivre et à écrire.
À lui, ses mots relus et mon chagrin qu’il se soit tu.
Cette lettre n’en est pas une, mais elle est l’envie, elle est des retrouvailles. La sensation de la plume sur le papier, l’encre bleue. Elle est les mots que l’on cherche et ceux qui surgissent. Elle est l’amour qui bouscule, la douleur, la réparation. Elle est la liberté et les possibles. Cette lettre n’en est pas une, mais elle est le début de toutes celles que je m’apprête à écrire.
Lettre à
Sophie Lemp
Un été jaune carré
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